Le Testament des Douze Patriarches dévoile les qualités que l'esprit de Dieu donne à l'homme. Il est sans rancune : « Joseph était un homme bon qui avait l'esprit de Dieu en lui et qui était compatissant et miséricordieux ; il ne me (Siméon) garda pas rancune, mais il m'aima comme ses autres frères. » (Test. Sim. IV, 4). Il est « l'esprit de grâce » (Test. Jud. XXIV, 2c), « la bénédiction du Père saint » (Ibid. 2b). L'esprit de Dieu est sur celui dont la pensée est « pure et aimante » (Test. Ben. VIII, 2), sur celui « qui ne regarde pas une femme dans un esprit de luxure » (Ibid.). Il n'est déjà plus dans le sanctuaire du mont Moriah : « Le rideau du Temple sera déchiré et l'Esprit de Dieu descendra sur les nations. » (Ibid. IX, 4). Ajoutons que dans le Roman de Joseph et Aséneth, l'esprit de Dieu se reconnaît en l'homme pieux et chaste, « puissant par sa sagesse et ses connaissances » celui qui bénéficie de « la grâce du Seigneur » (Jos. As. IV, 9).
Selon les Ecritures, l'esprit de Dieu (« Rouah Elohim ») ou l'esprit de sainteté (« Rouah ha-qodech ») rend l'Hébreu capable de remplir une mission qui entre dans le projet divin pour l'accomplissement de la création terrestre. Inversement, pour Paul, l'esprit de Dieu est le principe de la vie spirituelle (par opposition à la vie incarnée). Elle ne peut être pleinement vécue que par la mort du corps de chair. Le Spirituel qui chemine dans la vérité reçoit, dès ici-bas, « les arrhes de l'esprit » (2 Co. I, 22). L'espérance en sa propre édification lui ouvre peu à peu l'éternité spirituelle.
L'association de la chair à l'esprit de perversion se découvre clairement dans l'Ecrit de Damas : « [Dieu] est en procès avec toute chair. » (Damas I, 2) ; « Il eut en horreur les générations issues du sang. » (Ibid. II, 8). Ainsi trouve-t-on dans l'enseignement de la Communauté des Saints, l'idée que la part d'Israël qui domine à Jérusalem et collabore avec l'occupant, n'est point la part de l'esprit, mais celle de la chair. Cette opposition de deux générations, charnelle et spirituelle, ne semble pas aussi absolue que l'est la dualité paulinienne de l'homme. L'enjeu demeure le même, tant pour l'Israël perverti que pour le vrai Israël de la Communauté : la domination d'un monde terrestre glorifié par le règne de Dieu.
L'idée tout aussi radicale que le Christ ne peut plus être connu « selon la chair » (2 Co. V, 16) se retrouve dans l'Ascension d'Isaïe : « Son nom, tu ne peux l'entendre, jusqu'à ce que tu sois monté hors de la chair. » (Asc. Is. IX, 5). L'égarement des Judéens ne vient en effet que de son accommodement coupable à la présence des Goyim en terre d'élection (Damas IV, 15-19). Dieu est ainsi en procès avec la génération de la chair (les Judéens) (Ibid. I, 2), non point du fait de la faute d'Adam (puisque Dieu demeure chez les Esséniens le principe incontesté de l'incarnation), mais parce qu'elle n'a pas l'intelligence de chercher la vérité de la Torah et de vivre en conformité avec le droit divin.
La Règle enseigne que le « Jour de la visite », Dieu éloignera l'esprit de perversité du corps, afin de rendre celui-ci éternel (Règle IV, 20-21). Paul ne voit aucun autre destin, pour le corps incarné, que son anéantissement par « la crucifixion ». Il n’envisage nullement une accommodante purification. Le dualisme paulinien est radical en regard du dualisme politique des Saints. La pensée de l'apôtre vient en rupture avec l'enseignement de la Communauté. Néanmoins, la parenté des idées ou l’usage des mots se découvre toujours dans l'expression de la controverse. Ainsi en est-il de l'esprit de Dieu ou de l'esprit du Christ en l'homme :
« Et moi, doué d'intelligence, je t'ai connu, ô mon Dieu, grâce à l'Esprit que tu as mis en moi ; et j'ai entendu ce qui est certain d'après ton secret merveilleux, grâce à ton Esprit saint. Tu as [ou]vert au milieu de moi la Connaissance en ce qui concerne le Mystère de ton intelligence ; et la source de [ta] puissan[ce et la fontaine de] tes [bontés], t[u les as révélées] selon l'abondance de la grâce et le zèle exterminateur. » (Hy. XII, 11-14)
L'idée de la présence de Dieu en l'homme est affirmée dans la tradition essénienne. Mais Dieu y est toujours bordé de la juste pratique de la loi positive : « Gardez donc, mes enfants, les commandements du Seigneur, et observez sa loi. Eloignez-vous de la colère, et haïssez le mensonge, afin que le Seigneur habite en vous, et que Béliar fuie loin de vous. » (Test. Dan V, 1) (Test. Ben. VI, 4). L'homme spirituel édifie sa personnalité en faisant de son corps la demeure de l'esprit ou « le sanctuaire de Dieu » (1 Co. III, 16) (Mt. XXVI, 61). « L'esprit de Dieu » ou « l'esprit du Christ » (Rm. VIII, 9), devient celui de l'homme qui le reçoit (Ibid. 10). Il est l'organe de la relation à Dieu, en dehors de toute référence à une loi extérieure.
La personnalisation de l'esprit transparaît dans la relation qui s'établit entre l'homme habité et les autres hommes. La relation juste constitue en elle-même l'expression de la vie de l'esprit (Ibid. 10). La condition pour gagner « les arrhes » (2 Co. V, 5) implique nécessairement l'abandon de toute relation au monde de l'incarnation, de toute convoitise et de toute prétention légale. « La mort » du corps (Rm. VIII, 10) forme le projet de l’homme spirituel. Celui-ci brise la relation de péché qui lie les hommes psychiques. La Torah est également abrogée parce qu'elle participe de cette mauvaise relation (Ibid. VI, 14). La vanité du zèle témoigne, pour Paul, de l'inintelligence de l'homme et de son vide spirituel (1 Co. III, 20). La présence remarquable de l'esprit en l'homme ne s'accommode jamais de la pratique de la Torah. La liberté d'esprit constitue la démonstration de la conversion au Christ (Ga. V, 1).