Les Saints de la Communauté sont attachés à la Règle. Ils recherchent Dieu « de [tout leur cœur] et de [toute leur âme], [et] pour faire ce qui est bon et droit devant lui selon ce qu'il a prescrit par l'intermédiaire de Moïse et par l'intermédiaire de tous ses serviteurs les prophètes. » (Règle I, 1-3). Les Nazaréens sont fidèles à Jacques, le frère de Jésus et à la brève dynastie royale (Simon ben Clopas, cousin de Jésus et de Jacques leur succèdera). Ils ne semble pas que l'on puisse les distinguer de ceux de la Communauté des Saints qui ont reconnu en Jésus le Messie des derniers temps. Parmi les disciples de Jean le Baptiste, certains se sont joints à eux. Tous sont des hommes pieux qui pratiquent la Torah, même si leurs interprétations du droit peuvent être diverses. Ils ont leurs traditions et leurs règles. Les pauliniens convertis à l'évangile n'ont plus de code pour se conduire. L'apôtre devient la seule référence. Il proclame la fin de la Torah et propose un nouvel arrangement dans l'interprétation des prophéties.
Paul se place sur le même rang qu'Apollos (1 Co. IV, 6). Il soumet son œuvre d'apôtre à l'ordalie du Jour du Seigneur (1 Co. III, 12-15). Il demande aux convertis de ne porter entre eux aucun jugement en faveur d'Apollos ou de lui-même, de ne point « se gonfler » (1 Co. IV, 6) en prenant parti pour l'un ou pour l'autre. Ils ne peuvent en effet « penser plus que ce qui est écrit » (Ibid. 6). Paul signifie là que la vérité est écrite ; que le moment venu chacun la connaîtra pour sa propre gloire ou pour sa propre perte :
« Pour toutes (les créatures), la sentence a été prononcée et inscrite sur les tables célestes, et il n'y sera pas (fait) violence, pour tous ceux qui s'écartent de la voie qu'il leur est donnée de suivre. S'ils ne la suivent pas, la sentence a été inscrite, pour toute nature et pour toute espèce (Règle III, 15-18). Rien de ce qui est au ciel et sur terre, dans la lumière et dans les ténèbres, au Cheol, dans l'abîme et les lieux obscurs
« Frères, je vous ai présenté cette figure d’Apollos et de moi pour que vous appreniez en nous à ne pas penser plus que ce qui est écrit, et pour que personne ne se gonfle de quelqu’un contre un autre. Car qui est-ce qui te distingue ? Et qu’as-tu que tu n’aies reçu ? Et si tu ne l’as reçu, pourquoi t’en vanter comme si tu ne l’avais pas reçu ? » (1 Co. IV, 6-7)
L’enseignement paulinien serait malaisé à entendre sans le concours du Livre des Jubilés. Les interlocuteurs de l’apôtre connaissent la référence. Il est inconvenant et inutile de chercher à imposer à l'autre ce qui ne relève que de l'intelligence de l'esprit en la conscience de chacun et par conséquent du bon vouloir de Dieu et du destin qu'il promet à sa créature (Ant. bib. 2 ; L, 4) (Mt. XX, 23). Qui est assuré de connaître la bonne lecture ? Ainsi doit-on se garder de déléguer sa conscience à des maîtres à penser et aux propagateurs qui leurs sont attachés. La vérité est à chercher en soi-même dans le discernement de sa propre conscience et l'impératif qu'elle révèle.
Le converti ne peut se glorifier que de l'esprit de vérité. S'en vanter signifie en même temps ne l'avoir point reçu (1 Co. IV, 7). Il ne peut prétendre à une autorité mondaine du fait de l'esprit. Il ne peut se faire roi sans le contredire (Ibid. 8). Paul et Timothée (Ibid. 17), les envoyés de Dieu, ne tirent nullement de l'esprit qu'ils portent en eux cette gloire mondaine. Tout au contraire, ils sont la risée de tous, des anges même (Ibid. 9). Méprisés, insultés, persécutés, ils sont, en leur errance, l'envers du monde, le « rebut » de la société (Ibid. 9-13).
« Auriez-vous dix mille pédagogues dans le Christ, vous n'avez pas plusieurs pères, car c'est moi qui vous ai engendrés en Jésus Christ par l'évangile. Je vous exhorte donc à être mes imitateurs. » (1 Co. IV, 15-16)
La paternité que l'apôtre revendique auprès de la communauté de Corinthe (Hy. VII, 20) n'est pas liée à une prétention d'autorité mais au fondement de l'évangile (Ibid. 15). L'annonce qu'il fit le premier du Christ crucifié ne doit pas se perdre dans un autre enseignement que le sien (Ga. II, 9). Ceux qui n'ont pas encore accédé à l'herméneutique du « langage de la croix » et n'ont point la capacité de rupture que l'engagement paulinien requiert, ne peuvent qu'imiter avec profit la façon d'être au monde de l'apôtre (1 Co. IV, 16) (Ga. IV, 12) (Php. III, 17).