L'on trouve en Deutéronome : « Yhwh, ton Dieu, suscitera pour toi, du milieu de toi, d'entre tes frères, un prophète comme moi (Moïse) : c'est lui que vous écouterez. » (Dt. XVIII, 15-18). Cette annonce est reprise dans les Actes des apôtres comme un argument de Pierre à l'égard des Israélites qu'il appelle à la conversion : « Moïse en effet a dit : "Le Seigneur-Dieu suscitera pour vous d'entre vos frères un prophète comme moi ; vous l'écouterez en tout ce qu'il vous dira ; et toute âme qui n'écoutera pas ce prophète sera retranchée du peuple." » (Ac. III, 22-23). Il est bien évident que pour Paul le Christ n'est point un nouveau Moïse ; pour la seule raison qu'il n'est ni médiateur, ni législateur (Ga. III, 19).
L'évangile paulinien prétend gagner son autorité de ce qu'il est « un dévoilement de Jésus-Christ » (Ga. I, 12). Par opposition, l' « autre évangile » (Ibid. 7) apparaît comme l'expression d'une très humaine pensée (Ibid. 11). La preuve que l'évangile ne vient pas de Paul est constituée, selon lui, par le fait que rien dans la personnalité de l'apôtre ne le préparait à élaborer une pensée évangélique. Tous ont connu son zèle pour la Torah (écrite ou orale) (Ibid. 14). Tous savent avec quelle conviction il persécutait « la Communauté de Dieu » (Ibid. 13) (Php. III, 5-6). Le retournement de sa pensée, préalablement inscrite dans la tradition de ses ancêtres, ne peut être compris que tel un acte de la puissance de Dieu. Cette conviction, née de la confrontation de deux mondes, se trouve affirmée dès l'instant où Paul a choisi de ne pas se rapprocher des apôtres légitimes, « ceux qui étaient apôtres » avant lui (Ga. I, 17-24). Il sait déjà que sa réception de la parole du Christ n'est point la leur.
La reconnaissance prophétique apporte la preuve de la qualité de la mission. Paul s'affirme comme un élu auquel Dieu impose sa volonté. Pour preuve : il a répondu à l'appel et se consacre au service de l'évangile. La cause seconde confirme la cause première, divine par principe. L'évangile paulinien doit revêtir l'autorité de la proclamation prophétique et de l'inspiration spirituelle qui lui sont attachées. Jérémie est le modèle que les adversaires ne peuvent méconnaître (Ibid. 15-16) : « La parole de Yhwh me fut adressée pour dire : Avant même que je te forme dans le ventre, je te connaissais, et avant que tu sortes du sein, je t'avais consacré, je t'avais placé comme prophète pour les nations ! » (Jr. II, 4-5) (voir Is. XLIX, 1-5). Ce titre de « prophète des nations » s'inscrit dans l'engagement politique de Jérémie au moment de la grandeur de Babylone. Il conseille la soumission plutôt que l'affrontement contre la puissance du nouvel empire. Cette prise de position lui vaut la colère des rois de Judée.