Philosophie critique
AMMONIOS SACCAS
(IIIe siècle)

es deux sources majeures pour connaître ce philosophe
viennent de Porphyre : La Vie de Plotin et un passage du Contra Christianos
conservé par Eusèbe (HE 6, 19).
Plotin est le disciple d’Ammonios pendant onze années,
avant qu’il ne prenne part à l’expédition
de Gordien en Orient, dans le but de découvrir la philosophie
des Perses et des Indiens (VP 3, 6-21).
Selon Porphyre, Ammonios aurait été un apostat du christianisme.
Il aurait enseigné à Origène avant de se convertir
au christianisme (R. Goulet a tenté de démontrer qu’il
était peu probable qu’Ammonios ait été un
apostat et, surtout, qu’il ne fallait pas confondre Origène
le chrétien avec Origène le platonicien).
APOLLONIOS DE TYANE
(env. 3 av. - env. 97 apr. J.-C.)

’essentiel de ce que nous savons d’Apollonios
de Tyane provient de l’ouvrage de Philostrate : Vie d’Apollonios
de Tyane. Il dit tenir ses informations du philosophe Damis, originaire
de Ninos, disciple d’Apollonios, mais dont l’existence a
été fort controversée. Il s’agit d’une
biographie romancée, en huit livres, rédigée à
la demande de l’impératrice Julia Domna.
Apollonios est né en 3/4 av. J.-C. à Tyane, en Cappadoce.
Il étudie la rhétorique avec Euthydème de Phénicie
et la philosophie auprès du pythagoricien Euxène d’Héraclée.
Vers l’âge de seize ans, il adopte la règle ascétique
et s’établit dans un sanctuaire d’Asclépios
pour se consacrer au dieu. Dans la tradition pythagoricienne, il se
voue au silence durant cinq années. Puis il parcourt l’Asie
Mineure jusqu’en Inde. Il rencontre les mages et les gymnosophistes
d’Ethiopie. Il apaise les querelles politiques et les dissensions
entre cités grâce à des pouvoirs extraordinaires
; ce qui ne l’empêche pas d’être inquiété
par Néron et Domitien. Arrêté, il réussit
à s’évader en usant de pouvoirs magiques. Il fuit
vers la Grèce et meurt à Ephèse.
Il aurait été proche de Vespasien, de Titus et de Nerva.
On connaît les titres d’un certain nombre d’œuvres
d’Apollonios, pour la plupart perdues : Sur les sacrifices, Testament,
Sur la divination astrologique, Vie de Pythagore, Hymne à la
mémoire, Apologie et les Lettres, dont l’authenticité
n’est pas toujours certaine. Elles sont adressées à
des cités, à des personnages politiques éminents,
à des philosophes. Elles concernent les affaires religieuses,
les coutumes, les questions éthiques, la législation,
les querelles philosophiques, le pythagorisme. L’existence de
Lettres écrites par Apollonios n’est guère mise
en doute ; en revanche, l’authenticité des soixante-dix-huit
lettres qui nous sont parvenues est très discutée.
Référence : The Letters of Apollonios of Tyana,
a critical text with prolegomena, translation and commentary by Robert
J. Penella (Lugduni Batavorum E. J. Brill, Leiden 1979)
APULEE
(env. 125 - 170/180)

riginaire de Madaure, Apulée vient rapidement à
Carthage pour y apprendre l’éloquence. Attiré par
tout ce qui se réclame d’une spiritualité mystique,
il se rend à Athènes où il devient un adepte du
platonisme. Puis il parcourt une partie de l’Asie en vue s’initier
aux cultes orientaux : mystères d’Eleusis, de Mithra, d’Isis,
culte des Cabires. Il y cherche le «
secret des choses ».
Il rentre ensuite à Carthage où il devient un avocat et
un rhéteur célèbre.
Le roman des Métamorphoses, appelé, dès l’Antiquité,
L’âne d’or, est l’œuvre la plus célèbre
d’Apulée. Il s’agit d’une sorte de roman picaresque
aux aventures très mouvementées. Œuvre complexe,
les Métamorphoses ont donné lieu à des lectures
très différentes, voire opposées. Les interprétations
vont du roman initiatique, selon Merkelbach, au roman d’aventures,
selon Grimal. Celui-ci admet toutefois que le conte d’Amour et
de Psyché doit se lire selon une clé platonicienne qui
renvoie au mythe du Phèdre. L’attention peut également
se tourner vers les aspects religieux de l’œuvre. Le culte
de Lucius pour Isis représente un bon témoignage de ce
que Festugière a appelé « la religion personnelle
» et que Veyne a analysé comme « une nouvelle piété ».
Outre Platon et ses doctrines, qui donne la première biographie
de Platon et représente un témoin précieux du moyen
platonisme, et De l’interprétation, qui constitue le premier
traité de logique formelle rédigé en latin, Le
dieu de Socrate propose une théorie des démons qui dépend
largement d’un platonisme tourné vers la théologie
et la mystique. Comme les dieux habitent l’éther et les
hommes la terre, les démons résident dans l’air
dont ils ont la nature. Apulée distingue les démons-âmes
et les démons-supérieurs qui assurent les échanges
entre le ciel et la terre. Parmi eux, les démons-guides accompagnent
les mortels dans leur vie et les conduisent devant le juge suprême
à leur mort. Apulée pense que Socrate a pu « voir
» son démon, de même que, chez Homère, Achille
voyait Athéna.
APRISTIDE AELIUS
(117 - env. 187)

rateur grec né en Mysie et citoyen romain de la
province de Smyrne, Aristide se destine à la profession de rhéteur.
Il étudie à l’école d’Alexandre de
Cotiaion (le précepteur de Marc Aurèle), suit à
Smyrne les leçons des sophistes Aristoclès de Pergame
et Polémon de Laodicée et rencontre à Athènes
Hérode Atticus. Il voyage en Egypte (141-142) et à Rome
(143-144). Au cours de ce dernier voyage, la maladie, qui le conduit
au sanctuaire d’Asclépios de Pergame (145-146), se déclare
de façon définitive. Il séjourne au sanctuaire
plusieurs années et se voue au dieu qui le gratifie de l’éloquence.
Il s’installe ensuite à Smyrne où, après
avoir refusé les magistratures officielles, il enseigne la rhétorique.
Il considère que cette discipline revêt un caractère
englobant et qu’elle achève toutes les autres.
Il reste d’Aristide Aelius cinquante-trois Discours, représentatifs
du style atticiste, de l’état social de l’époque
des Antonins et de l’essor de la seconde sophistique dont il est
l’un des représentants majeurs. Les Discours Sacrés
sont constitués de six discours indépendants rapportant
les visions et les songes d’Aristide durant son séjour
au sanctuaire d’Asclépios, ainsi que les miracles favorisés
par le dieu. L’essentiel de l’interprétation des
songes et de l’activité religieuse met l’accent sur
l’importance de la thérapie par le « logos »,
à une époque caractérisée par le primat
de la rhétorique sur toutes les autres disciplines intellectuelles.
Il définit la rhétorique comme une discipline de valeur
absolue, capable de produire les individus comme tels et d’accomplir
leur humanité.
ATTALE
(Ier s. av. - Ier s. apr. J.-C.)

hilosophe stoïcien, Attale fut un des maîtres
de Sénèque, aux côtés du pythagoricien Sotion,
qui initia son élève au végétarisme, et
de Q. Sextius Niger, qui lui enseigna l’examen de conscience.
Attale fut exilé sous Séjan, le favori de Tibère.
Son enseignement porte en premier lieu sur la morale et utilise le procédé
de la diatribe. Attale prône un ascétisme rigoureux (sur
lequel nous renseigne Sénèque dans sa Lettre 108). Il
s’intéresse également aux modes de divination. Dans
ses Questions naturelles, Sénèque nous dit qu’il
a revu la tradition étrusque à la lumière de la
doctrine grecque (probablement de la philosophie stoïcienne) à
propos de la distinction des signes donnés par la foudre (NQ
2, 50). Un rapprochement peut être fait avec le De Divinatione
(1, 74) de Cicéron qui évoque les « libri fulgurales
» des Etrusques. Attale eut une influence évidente sur
le mode de vie de Sénèque comme sur certains aspects de
son œuvre.
ATTICUS
(IIe siècle)

près Taurus, Atticus fut le maître de l’école
platonicienne. Il pourrait avoir détenu la première chaire
de philosophie platonicienne instaurée par Marc Aurèle
à Athènes en 176. C’est à cette occasion
qu’il aurait polémiqué contre les péripatéticiens
et contre Aristoclès, le maître d’Alexandre d’Aphrodise.
Il ne nous reste de l’œuvre d’Atticus que quelques
fragments. Son maître ouvrage semble avoir été le
traité Contre ceux qui se flattent d’interpréter
Platon par Aristote. Atticus prend pour cible les péripatéticiens
et les platoniciens qui inclinent au compromis avec l’aristotélisme.
Il récuse le dogme aristotélicien de l’éternité
du monde (frag. 4) au profit d’une exégèse littérale
du Timée (comme celle de Plutarque) : «
la volonté
et la puissance divine » produisent le monde «
dans le temps
» et le préservent de toute corruption. Il oppose au «
Premier moteur » d’Aristote la notion de «
Providence
», puissance unique qui régit l’univers entier (frag.
3 et 8).
Le dieu d’Atticus réunit le démiurge du Timée
et la nature du Bien. A la manière d’Alcinous, Atticus
admet trois principes : la Matière, les Idées, Dieu (frag.
26). Mais, à la différence d’Alcinous, Atticus ne
fait pas des Idées les pensées de Dieu : ce sont des objets
indépendants (frag. 28). Il fait grief à Aristote d’avoir
réservé l’immortalité au seul « Noûs
», quand c’est l’âme dans son ensemble qui doit
être tenue pour immortelle (frag. 7).
Commentaire du Timée : le monde a été engendré
« selon le temps » ; non « selon la cause ».
Avant que le démiurge ne produise le « Cosmos »,
existent déjà de toute éternité : une matière
agitée d’un « mouvement désordonné
», un temps nombre de ce mouvement, et une « âme malfaisante
qui meut cette matière » (frag. 19 et 23). La production du monde
consiste donc dans l’imposition simultanée de l’ordre
à la matière et de l’intellect à l’âme
désordonnée par la volonté du démiurge.
L’insistance d’Atticus sur la production temporelle du «
Cosmos » est la conséquence de son « providentialisme
» : un univers non engendré rendrait toute providence inutile
(frag. 4).
Référence : Atticus, Fragments. Texte et traduction
par E. Des Places (« Les Belles Lettres », Paris 1977)
CELSE
(IIe siècle)

latonicien, Celse est aussi imprégné de stoïcisme
et connaît bien les écritures juives et chrétiennes.
Auteur d’un grand ouvrage contre le christianisme, Le Discours
Véritable, composé vers 178, Celse est pratiquement inconnu.
Son livre est perdu, mais il peut être presque intégralement
reconstitué grâce à la réfutation qu’en
fit Origène vers 248 (à la demande d’Ambroise) :
Contre Celse.
Le Discours Véritable contre les chrétiens constitue une
critique vigoureuse et parfois violente. L’enseignement chrétien
n’est, du point de vue de l’auteur, que sottise et immoralité.
Il oppose aux chrétiens l’immutabilité et l’impassibilité
de Dieu et leur reproche leur anthropomorphisme en matière théologique.
A ses yeux, l’incarnation divine est incompatible avec la souveraine
bonté et la parfaite beauté de Dieu. On voit que Celse
n’est pas seulement l’apologiste du polythéisme ;
il est, comme l’a bien vu A.-J. Festugière, le tenant de
la transcendance du Dieu suprême. Celui-ci est sans forme et ineffable.
Il ne peut être connu que par voie analogique de séparation
et de synthèse (qui correspond à la voie de l’éminence
chez Alcious) (A. Petit). Selon C. Moreschini, Celse aurait appartenu,
avec Numénius et Atticus, au courant le plus religieux du moyen
platonisme.
Référence : Celse contre les chrétiens,
la réaction païenne sous l’Empire romain. Restauration,
analyse et texte intégral du Discours Vrai par Louis Rougier
(Ed. Copernic, Paris 1977)
EPICTETE
(env. 50 – env. 125)

é à Hiéropolis, en Phrygie, Epictète
est amené à Rome comme esclave et affranchi par son maître
Epaphrodite. Il devient le disciple et l’ami du philosophe stoïcien
Musonius Rufus. Probablement chassé de Rome par un décret
de Domitien qui bannit de la ville tous les philosophes (94), Epictète
s’établit à Nicopolis, en Epire, où il dirige
une école fréquentée par de nombreux disciples.
L’un d’eux, Arrien, nous a conservé, sous le titre
de Diatribes (ou Entretiens), un grand nombre de propos du maître.
La question se pose des rapports d’Epictète avec le christianisme.
Il connaissait les chrétiens mais ne les appréciait guère.
Les parallèles que l’on note entre les deux doctrines ne
peuvent être considérées hors des notables différences,
quels que soient les emprunts du christianisme au stoïcisme. Arrien
a également publié un Manuel d’Epictète qui
est un résumé de la morale stoïcienne. La fortune
du Manuel fut considérable, tant chez les païens que chez
les chrétiens. Il a constitué une source privilégiée
de la connaissance du stoïcisme, au point de faire d’Epictète
la figure quasi emblématique de cette école.
Références : Entretiens. Ed. J. Souilhé,
rév. A. Jagu (« Les Belles Lettres », Paris 1948-69)
Manuel, in « Les Stoïciens », Ed. P.-M. Schuhl («
La pléiade », Ed. Gallimard, Paris 1962)
HERMETICA PHILOSOPHICA
(Ier – IIIe siècle)
’adjectif « Trimégiste » («
Trois fois grand »), abrège la formule «
megistos
kai megistos theos, megas Hermês » («
le très
grand, très grand Dieu, le grand Hermès »), traduction
maladroite de l’égyptien hiéroglyphique (ou démotique)
«
aâ aâ aâ ur » («
grand, grand,
très grand ») où la répétition exprime
une sorte de superlatif. Les nombreux auteurs de langue grecque vivant
en Egypte (IIIe siècle av. - IIIe siècle apr. J.-C.) qui
attribuèrent leurs écrits à Hermès Trimégiste,
conscients de transmettre un savoir rare et secret, des pensées
divines et profondes, pouvaient juger naturel de les attribuer à
Thot, le maître de «
la Maison de vie » (le scriptorium
des temples) que, depuis Hérodote, les Grecs assimilaient à
leur Hermès (J.-P. Mahé). On distingue ordinairement les
Hermetica en deux catégories : les «
ouvrages de sciences
occultes » et les Philosophica.
Les ouvrages des sciences occultes : Ce sont les plus anciens.
Ils se classent, selon Festugière, en écrits astrologiques
(à partir du IIIe – IIe s. av. J.-C.), alchimiques (à
partir des IIe – Ier s. av. J.-C.) et magiques (papyri des IVe
– VIIe s. apr. J.-C., mais textes plus anciens). « En ce
qui concerne l’hermétisme populaire, écrit Festugière,
il apparaît tout d’abord que cette littérature hermétique
n’eut rien de propre ni d’original. Le nom d’Hermès
a couvert un mouvement qui se rencontre tout identique, sous le patronage
d’autres prophètes… Le résultat n’eût
pas été différent si, comme d’autres savants,
j’avais choisi pour auteurs les « mages hellénisés
» (Zoroastre, Ostanès, Hystaspe) ou les prophètes
juifs (les écrits salomoniens couvrent également le triple
champ de l’astrologie, de l’alchimie et de la médecine
occulte) ou Apollonius de Tyane. D’un mot, il n’y a pas
d’occultisme proprement hermétique, en ce sens que les
écrits du Trimégiste sur ces matières n’apportent
rien de neuf. » (réf. Conclusion vol. 1). L’intérêt
de ce mouvement, tout ensemble scientifique et religieux, qui a exercé
une si grande influence à la période hellénistique
et gréco-romaine, reste important. « La science n’est
plus distinguée de la religion ; l’exercice de piété
prend désormais la place de l’effort rationnel ; la connaissance
des secrets divins est, au sens vrai, une illumination. Cette connaissance
d’un type nouveau, que l’on est convenu de nommer «
gnose » pour la distinguer de la connaissance purement rationnelle,
est fonction directe de la piété. » Tout savoir
se résume en cet unique savoir : qui communique avec Dieu, puise
à la source même d’où toute vérité découle.
Les Hermetica Philosophia : Ils datent probablement des
trois premiers siècles apr. J.-C.. Ils empruntent souvent aux
« ouvrages de sciences occultes ». Ces écrits se
partagent matériellement en trois groupes : le Corpus Hermeticum,
le Discours Parfait dont il ne subsiste plus, sous le nom d’Asclepius,
qu’une traduction latine attribuée par erreur à
Apulée, enfin des extraits nombreux et fragmentaires.
Les Hermetica constituent une méthode de conduite spirituelle
dont l’authenticité se trouve étroitement liée
à l’Egypte et au milieu alexandrin où elles sont
nées. Il semblait évident à tous, comme l’écrit
Platon (Timée, 22 b), qu’à la différence
des autres nations, maintenues dans une enfance perpétuelle par
l’anéantissement de leurs archives au cours de catastrophes
récurrentes, seuls les Egyptiens, protégés par
le Nil, conservaient la mémoire authentique des origines. Par
conséquent c’est, en principe du moins, à l’Egypte
qu’on la devait et toutes les lumières qu’on recueillait,
ici où là, chez Platon comme chez Moïse, pouvaient
être à bon droit restituées à leur inventeur
primitif, le maître des sages égyptiens, Hermès
Trimégiste.
L’hermétisme est une voie et non un système. «
La voie hermétique comporte trois étapes que l’âme
humaine parcourt, successivement guidée et transportée
par les trois facultés dont elle a été gratifiée
par Dieu, la gnose, le discours et l’intellect. La fonction première
des Hermetica est donc de jalonner cet itinéraire en fortifiant
progressivement, chez le disciple, les capacités requises pour
la portion de route qui lui reste à franchir. » J.-P. Mahé
tente, sinon de reconstituer le parcours, du moins un reclassement des
textes en fonction des trois étapes auxquelles ils se rapportent.
1) « L’appel à la gnose » comme appel à
recevoir « le baptême de l’intellect » (CH.
IV) à la suite duquel l'effort intellectuel devient indissociable
de la piété (CH. 1, 27 ; VI, 5 ; IX, 4 ; FH. 10).
2) « Les enseignements du discours », comme deuxième
étape, comportaient une doctrine portant pour l’essentiel
sur « les êtres » (CH. 1, 1, 3 ; SH. XI, 1), notamment
les âmes (les trois principaux êtres étant : Dieu,
le monde et l’homme) et sur les « énergies »
agissant sur eux.
3) « L’illumination de l’intellect » comme troisième
étape consistait à s’adonner à des exercices
spirituels et à participer au mystère hermétique
de « régénération » (vision de soi-même
hors du monde). L’intellect étant une faculté à
la fois contemplative, imaginative et enthousiaste, qui dilate et élève
la conscience au-delà d’elle-même, les exercices
s’efforceront d’actualiser et de développer, par
une pratique répétée, les dispositions latentes
de l’âme dans ces trois directions.
Ne cherchons pas dans les Hermetica l’exposé d’un
système. La seule cohérence qu’on y trouve est celle
de la progression sur la voie de la « régénération
». Mais cette progression n’est pas régulière
et uniforme, car la voie est ardue (CH. IV, 9). Le but est clairement
désigné mais on n’y parvient pas d’un coup.
Il faut des exercices nombreux et variés, inlassablement répétés
(CH. IV, 11 ; X, 21 ; XI, 21).
(Réf. : L’excellent exposé de P.-P. Mahé
in « Encyclopédie Philosophique Universelle)».
Références : La révélation d’Hermès
Trimégiste, par le R. P. Festugière (3 vol. « Les
Belles Lettres », Paris 1983)
Hermès en Haute Egypte (tome 1 : Les textes hermétiques
de Nag Hammadi et leurs parallèles grecs et latins ; tome II
: Le fragment du discours parfait et les définitions hermétiques
arméniennes) par Jean-Pierre Mahé (Les Presses de l’Université
de Laval, Québec 1978-1982)
The Hermétic Corpus (tractates 1 : « Poimandrès
and 7 : That the greatest human evil in unacquointance with God »),
in « The Gnostic Scriptures », a new translation with annotations
and introductions by Bentley Layton (SCM Press Ltd, London 1987)
MARC AURELE
(121 – 180)

é d’une famille patricienne originaire d’Espagne,
il succède à Antonin (161), son père adoptif, pour
régner sur l’Empire jusqu’à sa mort. Si son
expérience politique transparaît peu dans son œuvre,
c’est bien au cours des campagnes danubiennes qu’il rédigea
une partie des notes qui devaient aider à constituer la collection
en douze livres des Pensées.
Pensées (ou Méditations) : Le titre grec signifie «
Pour moi-même » ou « Les choses qui me concernent
». L’ouvrage célèbre, sous toutes ses formes,
la gloire de l’unité, du principe directeur de chacun au
principe universel de toutes choses qu’on nomme « monde »,
« nature », « dieu » ou « raison ».
Il a été composé en grec. Le stoïcisme, plus
précisément Epictète, nourrit l’essentiel
de la pensée de Marc Aurèle. Mais, en elle, d’autres
influences philosophiques se manifestent clairement : Héraclite,
Socrate, Platon et même Démocrite ou Epicure. Ne cherchons
donc ni un système ni un discours édifiant dans la pensée
de Marc Aurèle, puisque ses pensées ne renvoient qu’à
« lui-même », mais simplement le témoignage
de la vie d’un homme libre.
NUMENIUS D’APAMEE
IIe siècle
(121 – 180)

l est fait mention de Numenius dans les Stromates de Clément
d’Alexandrie, ce qui autorise à le situer dans la seconde
moitié du IIe siècle. Il pourrait avoir été
le contemporain des platoniciens Calvenus Taurus et Albinus et le devancier
d’Atticus. Il a vécu et enseigné à Apamée
sur l’Oronte, en Syrie. Eusèbe de Césarée,
Origène et Nemesius le qualifient de «
pythagoricien »
; mais il est «
platonicien » pour Jamblique et Proclus.
Il eut pour «
hetaïros » (compagnon) Cronius, auteur
De la Métempsycose, souvent nommé avec lui parmi les pythagoriciens
ou les platoniciens du IIe siècle. L’importance de Numenius
dans l’histoire du platonisme tardif (moyen platonisme et néoplatonisme)
est considérable. Il a exercé une influence indéniable
sur Atticus et son disciple Harpocratien d’Argos, sur Ammonios
Saccas, sur Plotin lui-même et ses disciples Amélius et
Porphyre ainsi que sur le commentateur latin du Timée, Chalcidius.
Il ne nous reste de Numenius que des fragments. Son ouvrage majeur est
le traité Sur le Bien (frag. 1-22). Il a également écrit
Des secrets de Platon, ainsi que Sur l’Incorruptibilité
de l’Ame et Sur le Lieu. Retenons encore un traité au titre
énigmatique : La Huppe.
Sur le Bien : L’ouvrage, composé en six livres, était
rédigé à la manière d’un dialogue
platonicien. Numenius y traitait de l’Etre et du Bien, comme Premier
Principe du Timée, incorporel et intelligible ; du deuxième
Dieu, pensée du démiurge ; du troisième Dieu, le
monde en tant qu’il est pensé par le démiurge. La
Matière est une force du Mal (frag. 52).
Sur l’Infidélité de l’Académie de Platon
: Dans ce traité, Numenius prenait à parti les successeurs
de Platon pour n’avoir pas su préserver l’unité
d’opinion (frag. 24).
ORACLES CHALDAIQUES
fin IIe siècle

’ouvrage en vers que les néoplatoniciens désignent
sous le nom d’Oracles Chaldaïques, et que nous ne connaissons
que par des fragments, que divers auteurs païens ou chrétiens
ont conservés, est attribué par la tradition à
un certain Julien. Il est impossible de savoir s’il s’agit
de Julien «
le Chaldéen » ou de son fils «
le Théurge ». On situe l’ouvrage à la fin
du IIe siècle. La doctrine des Oracles se rapproche de celle
de Numenius, au point qu’on a pu se demander qui a pu inspirer
l’autre. A la suite de Platon, les oracles opposent le monde des
formes intelligibles à celui des choses sensibles. Au sommet
de leur système, on trouve l’intellect, aussi appelé
«
le Père ». Ce Dieu transcendant est représenté
comme un feu matériel dont tout vient. Au-dessous de lui s’étagent
les triades du monde intelligible, puis les dieux qui règnent
au-delà des sphères célestes ou qui y président.
L’âme humaine, étincelle du feu originel, est venue
s’enfermer dans un corps par un acte de volonté ; mais
quand elle se sera dépouillée des enveloppes matérielles
dont elle s’est revêtue, elle retournera dans le sein paternel
du premier Dieu.
PLOTIN
205 – 270

eut-être originaire de Lycopolis en Haute-Egypte,
Plotin «
s’attache à la philosophie » à
l’âge de vingt-huit ans, c’est-à-dire au platonisme
éclectique qu’enseignait Ammonios Saccas à Alexandrie.
Désireux de connaître la sagesse des Perses et des Indiens,
il se joint à l’expédition militaire de Gordien
III en 243. L’assassinat de l’empereur en Mésopotamie
oblige Plotin à fuir vers Antioche, d’où il se rend
à Rome pour y fonder son école en 247. Plotin enseigne
à la manière de Socrate. Il discute avec ses auditeurs
à partir d’un sujet donné ou d’une lecture.
Son enseignement inaugure le néoplatonisme. Strictement végétarien,
il pousse assez loin l’ascétisme pour ruiner sa santé.
N’ayant pu réaliser son rêve de phalanstère
philosophique, il meurt dans une villa de Campanie. C’est à
Porphyre que revient le soin de préserver et de faire connaître
les cinquante-quatre traités du maître. Il les classe en
six groupes de neuf : les Ennéades. Plotin est hanté par
l’idée du salut individuel, thème qui relève
autant des religions à mystères de l’époque
romaine que des religions orientales et du christianisme. Mais, dans
un même élan, il cherche à rendre compte de la réalité
en termes rationnels, conformément à la grande tradition
hellénistique. L’idée première de Plotin
est celle de l’unité de l’Etre qui se disperse à
partir d’un foyer central. La sagesse philosophique consiste à
se libérer des apparences nées de la dispersion («
la précession ») et à retrouver l’unité
vivante et l’Unité suprême («
l’ascension
»). Parce qu’il y a identité entre l’âme
individuelle et l’Un, le sage accomplit seul son salut.
Ennéades (254 – 270) : La première Ennéade
regroupe en grande partie les textes qui définissent la vie philosophique,
la pratique spirituelle et le bonheur. La deuxième concerne le
cosmos, les corps et la matière. La troisième porte notamment
sur le destin, la Providence, le temps et l’éternité.
La quatrième, réservée à l’âme,
repousse les conceptions matérialistes et péripatéticiennes
de l’âme. La cinquième commence par le fameux traité
Sur les Trois Hypostases Principielles. Il rend compte de la réalité
métaphysique (l’Un, unité souveraine cause de tout,
l’Intellect, monde intelligible, l’Ame, principe actif entre
l’Intellect et la Matière). La sixième Ennéade
comporte une partie ontologique, et une partie consacrée à
l’Un-Bien. L’argumentation Contre les Gnostiques est dispersée
en II, 9, 33 ; III, 8, 30 ; V, 5, 32 ; VI, 8, 31.
Référence : Plotin, Ennéades, texte
établi et traduit pas Emile Bréhier (7 vol. « Les
Belles Lettres », Paris 1989).
PLUTARQUE DE CHERONEE
env. 45 – 120/125

é à Chéronée, en Béotie, Plutarque est, à Athènes, l’élève
du philosophe platonicien Ammonius qui apparaît plusieurs fois
dans son œuvre. Il voyage à Rome et en Egypte. Il vit la
plus longue partie de sa vie dans sa ville natale, dont il est élu
archonte tout en assumant la prêtrise d’Apollon Pythien
à Delphes. Ceux de ses nombreux écrits qui nous sont parvenus
sont regroupés sous deux titres : Vies Parallèles et Œuvres
Morales. Dans la tradition de la pensée et de la religion grecque,
alors en déclin, Plutarque cherche les éléments
propres à agir positivement sur la conscience. La morale pratique
est son premier souci.
SENEQUE
4 av. – 65 apr. J.-C.

é à Cordoue, Sénèque fréquente
à Rome l’école stoïcienne de Sextius. Il suit
les leçons d’Attale. Après un séjour en Egypte,
il exerce la questure sous Caligula (31-32) ; mais il fait très
vite le choix de la philosophie (Consolation à Marcia ; De la
colère). Claude l’exile en Corse (41-49). De cette époque
datent la Consolation à Helvia et la Consolation à Polybe.
Rappelé par Agrippine, Sénèque compose le traité
De la brièveté de la vie et il devient précepteur
de Néron. Au moment de l’assassinat de Claude, Néron
n’a que dix-sept ans et Sénèque se trouve être,
en tant que précepteur, le véritable gérant de
l’empire (54-59). Il fait paraître un pamphlet contre Claude
: l’Apocoloquintose ; puis De la tranquilité de l’âme,
De la clémence, De la constance du sage, De la vie heureuse.
Après l’assassinat d’Agrippine (59) et la mort de
Burrus (62), Sénèque renonce par étape à
la vie politique. Il écrit alors les traités Des bienfaits
et De l’oisiveté. Il s’affirme durant les trois dernières
années de sa retraite comme un directeur de conscience exemplaire
(Lettres à Lucilius, De la providence, Questions naturelles).
Compromis dans la conjuration de Pison, Sénèque se donne
la mort en 65 sur ordre de Néron.
SEXTUS EMPIRICUS
IIe – IIIe siècle

hilosophe et médecin grec, Sextus Empiricus
est notre principale source sur le scepticisme grec, à travers
les deux ouvrages qui nous sont parvenus de lui dans leur intégralité.
Les Hypotyposes pyrrhoniennes et les onze livres du Contre les professeurs.
Nous savons qu’il avait consacré plusieurs ouvrages à
la philosophie et à la médecine, ouvrages aujourd’hui
disparus.