Dire que Dieu habite en l'homme (Test. Dan V, 1) (Test. Jos. X, 2-3) (Test. Ben. VI, 4) ne signifie pas que l'homme est « le sanctuaire » de Dieu. Cette dernière affirmation est hautement profanatrice. Proclamer que Dieu est à jamais ailleurs que dans le Temple revient à le dissocier de la Torah déposée dans le Sanctuaire, à reléguer les prêtres et les lévites, à dévaloriser le trésor, à saper l'autorité du tribunal, à dénigrer le caractère expiatoire des sacrifices ! Dans le système théocratique judéen, la vie économique et sociale s'organise autour du Sanctuaire. Elle emprunte chacun des degrés qui montent à « la Maison » de Yhwh. La proclamation de l'apôtre ne peut être comprise que tel un appel à une véritable révolution sociale.
L'idée que le Seigneur n'est plus dans sa Maison de Jérusalem est également présente dans l'enseignement du Maître de justice. L'Ecrit de Damas enseigne que Dieu, « à cause de leur infidélité, à eux (les Judéens) qui l'avaient abandonné, (il) cacha sa face à Israël et à son Sanctuaire et (il) les livra au glaive. » (Damas I, 3-4). Le Sanctuaire est souillé (Ibid. IV, 18). Le Seigneur a déménagé au désert, trouvant refuge auprès du reste des fidèles qu'il s'est conservé. Les sacrifices sur l'autel sont vains s'il n'est de dieu pour les recevoir. La règle est claire, le Temple est frappé d’interdit : « Et tous ceux qui ont été introduits dans l'alliance, ils n'entreront pas dans le Sanctuaire pour allumer (le feu sur) son autel en vain, mais ils fermeront la porte. » (Ibid. VI, 11-13). Cependant, Dieu n'attend que la victoire des Saints pour retourner en sa Maison, laquelle retrouvera la gloire sacrée et la pureté du rituel légal. (voir le Rouleau du Temple ; Guerre II, 1-7 ; 1 Hén. XXV, 6 ; Jub. I, 10, 13).
Une nouvelle fois Paul trouve déjà germée la pensée qu'il cultive. Cependant, l'enseignement des Esséniens veut que Dieu ait déserté le Sanctuaire parce que les souillures du « Prêtre impie », qui ignore la précision des temps et la juste interprétation de la Torah, le lui ont rendu inhabitable. Les usurpateurs (sadducéens) et des flatteurs (pharisiens) se sont rendus maîtres du Temple sans voir qu'ils en avaient chassé le Seigneur. Pour Paul, Dieu n'est plus à Sion parce que le lieu de la loi est ailleurs, dans la conscience éclairée des hommes. Selon l'interprétation paulinienne, le Seigneur ne peut être à la fois dans les hommes et dans le Temple. L'émiettement de Dieu donne autorité à l’esprit en chacun. Les hommes de foi sont libérés de la médiation sacerdotale et du contrôle des juges. En vidant le Sanctuaire de Dieu, Paul détruit l’œuvre de Moïse en son fondement. L'effacement des tables de pierre prend valeur de bénédiction (Ant. Bib. XII, 5). L'on ne peut plus dire : un seul Dieu et un seul peuple (voir Dt. VI, 4), dès lors que Dieu ne fonde plus le peuple mais personnalise l'homme.