Libéré de la Torah, le converti n'est pas sans loi. Il possède désormais l'intelligence de la loi de l'esprit qui parle à sa conscience d'homme. Il se peut toutefois qu'il ne parvienne pas à se libérer du péché qui imprègne son corps vivant (Rm. VII, 20). En ce cas il n'acquiert pas l'état de perfection qui seul lui assure la vie éternelle (Php. III, 12). L'ascèse n'est pas dirigée comme une supplique vers Dieu, elle constitue une arme contre la chair (1 Co. IX, 27). Celui qui est connu de Dieu, n'a raisonnablement qu'une seule chose à demander : être libéré de son corps (Rm. VII, 23). Il ne peut solliciter Dieu pour quelque arrangement de sa propre incarnation. En cette matière, seul Satan est attentif (2 Co. XII, 7).
Paul établit une comparaison avec l'athlète qui « se prive de tout » (1 Co. IX, 25) afin de remporter la victoire. Le succès ne dépend finalement que de l'état du corps et non du moyen pour y parvenir. Le régime sportif ne revêt pas la valeur morale d'une mortification. L'athlète cherche à mettre son corps en condition de vaincre. Il sait que le succès lui appartient. Ainsi en est-il de l'ascèse paulinienne, qui cherche à libérer autant qu'il se peut et le corps et l'âme de la convoitise et de toutes les pesanteurs terrestres qui constituent un obstacle à l'édification céleste. La comparaison a cependant une limite, car si l'athlète se forge naturellement un corps harmonieux, tel n'est point l'objet de l'ascèse paulinienne qui ne cherche nullement la forme du corps mais sa transparence. La pureté légale a perdu son sens. (Voir la discussion sur le vêtement de la résurrection dans la tradition, en T.J. Kilayim 32b. Selon qu'il attend une résurrection de la chair charnelle (Ibid. 32b), ou une résurrection en « une chair » céleste, l'homme mort sera revêtu d'un habit de cérémonie ou d'un linceul de lin blanc).
Ayant reçu ici et maintenant l'esprit de Dieu, le converti s'initie à la dualité de son nouvel être. Il perçoit le « corps du péché » (Rm. VI, 6) tel un adversaire qu'il doit mater et asservir (1 Co. IX, 27). Le corps est comme un autre lui-même, une peau qui lui colle, une étrangeté qui le revêt (Jub. III, 26). De l'intelligence de sa conscience naît le regard qu'il porte sur ce qui n'est encore que la part encombrante de son être. Le corps demeure comme le dernier obstacle, après que la conversion a libéré l'homme de la loi extérieure, sans pour autant l'avoir à jamais débarrassé de la loi du péché. Paul lui-même, en dépit de toute son intelligence et de sa liberté rebelle, peut se trouver « réprouvé » (1 Co. IX, 27) au moment de recevoir son vêtement céleste, si par l'esprit il n'a vaincu la chair (Php. III, 12) (Rm. VIII, 13).
« Mais je mate mon corps, je l'asservis, de peur qu'après avoir prêché aux autres je ne sois moi-même réprouvé. » (1 Co. IX, 27)
Etant donné que le corps n'a d'autre fin que la destruction, sa purification ne saurait constituer un but en soi. Le converti le prépare tel le « sanctuaire » (1 Co. VI, 19) de l'esprit qui vient l'habiter (Rm. VIII, 9), et qui ne sait cohabiter avec le péché (Rm. VII, 17). L'homme doit s'attacher à rendre le corps disponible pour recevoir « les arrhes de l'esprit ». Il est nécessaire que l'esprit soit déjà en l'homme au moment de la mort du corps destructible. Le converti demeure alors tout en cette part spirituelle de lui-même qui apparaît comme le corps indestructible d'une hypostase divine (1 Co. XV, 42).
L'idée de préparation est aussi présente dans la tradition essénienne : « Les Saints s'étaient préparés, les couronnes et les louanges les avaient précédés. Que les Saints se réjouissent, qu'ils jubilent en leur cœur, car ils ont reçu la gloire qu'ils attendaient. » (Test. Jb. XLIII, 14-15) (Règle IV, 7).
note 19a : L'on trouve dans les Ecritures le jeûne comme repentir : voir 1 S VII, 6 ; Jg. XX, 26 ; 1 R. 9 ; comme recours à Yhwh : voir 2 S XII, 16 ; Esd. VIII, 21 ; le jeûne que Yhwh agrée : Is. LVIII, 6-7 ; Za. VII, 6-12 ; pour la consultation de Yhwh : voir 2 Ch. XX, 3. Le traité "Taanit" concerne notamment le jeûne public à l'occasion d'un temps de sécheresse, d'épidémie ou encore lors de l'invasion d'une armée étrangère.