Anachorète égyptien bien connu grâce
à la biographie panégyrique d’Athanase, Antoine
est le fondateur du monachisme anachorétique. Dès l’âge
de trente-cinq ans, il vit en ermite dans le désert égyptien,
imité par de nombreux disciples. Athanase le présente
comme un personnage riche de « sagesse divine », plein de
« grâce et d’urbanité » (Vie 72).
Il nous reste sept lettres authentiques adressées à différents
monastères (traductions latine et géorgienne). Ces lettres
prêchent un ascétisme exempt de tout mysticisme. Selon
Antoine, le principal devoir de chacun est de se connaître, car
ne sauront connaître Dieu que ceux qui se connaissent eux-mêmes.
La connaissance de soi-même est conçue comme la compréhension
de plus en plus profonde de la grâce divine qui agit en l’homme.
Ces lettres présentent la vie monacale comme un combat incessant
contre les tentations et comme un martyre. Le moine doit se purifier
de toutes les passions et résister aux diverses attaques du démon.
Aristide est, avec Quadratus, un des premiers pères
apologistes. Selon Jérôme, il continua d’exercer
sa profession de philosophe après s’être converti
au christianisme.
Apologie à l’adresse d’Hadrien : adressée
en 124 à l’empereur Hadrien (Eusèbe, HE 4, 3, 3
; Jérôme, Ep. 70, 4, Ad magnum) ou, selon une inscription
du monastère de Sainte Catherine sur le Sinaï (Cod. Syr.
16), en 140 à son successeur Antonin le Pieux (Titus Aelius «
Hadrianus » Antoninus Pius). L’Apologie a été
conservée dans une traduction syriaque et dans un remaniement
grec.
Dans la littérature chrétienne, cette œuvre représente
le plus ancien écrit de l’apologétique « officielle
». Ayant d’abord loué Dieu, en tant qu’être
sans principe et sans fin, incréé et immortel, parfait
et ineffable, Aristide soutient que son existence doit être nécessairement
postulée si l’on veut expliquer l’ordre de l’univers
créé (chap. 1). Contre les religions « barbares
» des chaldéens, des grecs et des juifs (chap. 2-14), il
veut montrer que seuls les chrétiens ont atteint cette vérité
et qu’ils en témoignent par une vie de pureté et
de rectitude (chap. 15-17). L’œuvre atteint un sommet d’enthousiasme
lors de la description finale de la vie morale du chrétien (qui
ressemble à celle contenue dans la Lettre à Diognète)
et dans l’exhortation aux païens, afin qu’ils abandonnent
toute calomnie et qu’ils acceptent « la vérité
».
Vivant à l’époque de l’empereur Dioclétien, Arnobe se range parmi les apologistes chrétiens. Il se convertit au christianisme vers l’âge de soixante ans, après avoir enseigné la rhétorique à Sicca Veneria (Afrique proconsulaire). L’évêque dont il dépend ayant conçu quelques doutes au sujet de la foi du nouveau venu, en gage de sincérité, Arnobe compose un ouvrage en sept livres (304/312) : Contre les païens. Cet ouvrage constitue le répertoire le plus complet des critiques chrétiennes contre la mythologie. La démonstration se déroule en deux temps : les deux premiers livres réfutent l’accusation fréquemment adressée aux chrétiens d’avoir attiré toutes sortes de fléaux sur l’Empire romain ; les autres livres cherchent à mettre en évidence le ridicule du polythéisme et des cultes païens. L’anthropologie d’Arnobe, au caractère anti-platonicien, renferme l’idée que toute connaissance repose sur la perception. La cause est à rechercher dans l’union très étroite du corps et de l’âme.
Référence : Contre les gentils. Textes, traductions et commentaires par H. Le Bonniec (« Les Belles Lettres », Paris 1982)
Athanase est l’une des plus importantes personnalités
de l’Antiquité chrétienne. Né à Alexandrie,
il participe au concile de Nicée (325), où il accompagne
l’évêque Alexandre. Auparavant, il a écrit
Contre les païens, un ouvrage en deux parties : Discours contre
les Hellènes et Discours sur l’incarnation du Verbe. En
328, il est nommé évêque de sa ville natale. L’hostilité
des ariens et de plusieurs communautés entraîne sa destitution
en 335 et son exil à Trèves. De retour à Alexandrie,
après la mort de Constantin (338), il est amené à
se réfugier une nouvelle fois en Occident à cause de l’hostilité
de l’empereur Constance. Dès lors, une suite de rappels
et de fuites chez les moines du désert se succèdent, selon
la situation politique. En dépit de ces vicissitudes, Athanase
poursuit une œuvre écrite : Vie de Saint-Antoine. Il dirige
son Eglise depuis son refuge du désert. Il rejoint définitivement
son siège épiscopal en 366, grâce à l’appui
indéfectible du peuple.
Ses nombreuses œuvres se rapportent pour la plupart à la
défense de la foi de Nicée : Discours contre les ariens.
Il pose les fondements du développement théologique des
siècles à venir. L’Eglise judéo-chrétienne
lui doit les idées fondatrices de la doctrine trinitaire et de
la christologique : Quatre lettres à Sérapion, évêque
de Thmuis.
Philosophe chrétien d’Athènes, Athénagore
fait partie du groupe des pères apologistes du IIe siècle.
Peut-être dédia-t-il l’un de ses écrits sur
« les expressions difficiles de Platon », dont parle Photius
(Cod. 154), à l’Alexandrin Boethous. Athénagore
montre qu’il connaît la pensée platonicienne et qu’il
la partage sous plusieurs aspects, même s’il s’en
détache en quelques points (par exemple, à propos du rapport
de l’âme et du corps de l’homme).
Supplique en faveur des chrétiens (env. 177) : l’œuvre,
composée de trente-sept chapitres, est adressée aux empereurs
Marc Aurèle et Commode, « conquérants d’Arménie
et de Samarie et philosophes surtout ». Elle veut défendre
les chrétiens contre la triple accusation d’athéisme,
de cannibalisme et d’inceste (chap. 4-36). Comme Justin, Athénagore
garde une position ouverte à l’égard de la culture
païenne. Pour argumenter ses thèses, il cite les philosophes
grecs, parmi lesquels Philolaos, Platon, Aristote et les stoïciens.
Il pense qu’il n’existe qu’une seule véritable
philosophie ou sagesse. Dans la Supplique, il propose une preuve «
rationnelle » de l’unicité de Dieu : si plusieurs
divinités existaient, dit-il, elles ne pourraient être
dans le même lieu car, étant toutes non engendrées,
elles ne pourraient appartenir à la même espèce.
Elles devraient donc exister dans des lieux distincts. Ce qui ne se
peut puisque l’espace au-delà du monde est le siège
d’un Dieu unique qui est une essence différente et supérieure
à la matière qu’il a créée. Un autre
dieu pourrait exister dans un autre monde ou autour d’un autre
monde, mais alors, il n’arriverait pas chez nous et, à
cause de sa sphère d’activité limitée, il
ne serait pas un véritable dieu pour nous.
Athénagore souligne que le Dieu des chrétiens est une
trinité. Plus encore que Justin, il soutient la divinité
du Fils et son unité avec le Père dans l’essence,
en évitant le subordinationnisme des autres apologistes grecs.
Comme Théophile, Tertullien et Hippolyte, Athénagore dit
que le Fils était, comme « Noûs » et «
Logos », en Dieu dès l’éternité. Il
en sortit pour créer le monde, sans pour autant être une
créature. Le « Logos » est engendré par le
Père, tandis que le Saint-Esprit est une émanation de
Dieu comparable au rayon du soleil.
Sur la résurrection des morts : cette œuvre présente
un caractère philosophique très marqué. Elle cherche
à démontrer la doctrine de la résurrection en s’appuyant
sur « la logique ». Il serait injuste, dit Athénagore,
que l’âme seule fasse pénitence à cause d’un
péché auquel le corps l’a poussée. De même,
il serait injuste de ne pas récompenser le corps pour les bonnes
œuvres accomplies grâce à sa collaboration. La détermination
avec laquelle Athénagore soutient, contre la thèse platonicienne,
que le corps est partie intégrante de l’homme et que l’homme
n’est pas simplement une âme qui se sert d’un corps
est très significative du point de vue philosophique.
Référence : Supplique. Présenté par G. Bardy (« Sources Chrétiennes », Ed. Cerf, Paris 1943)
Le livre qui est au fondement de la tradition judéo-chrétienne est en réalité un ensemble de livres, dont la composition s’échelonne tout au long d’une histoire et qui se présente lui-même comme l’Histoire : histoire des origines du monde et de l’humanité, histoire d’Israël en tant qu’il est l’auteur et l’acteur de l’Histoire, histoire du destin de l’homme, histoire d’un salut par Jésus Christ que Dieu propose à l’homme. Le terme « la Bible » vient, à travers le latin, de l’expression grecque « Biblia », les Livres, qu’on trouve dans la traduction des Septante. Le mot grec qui désigne la Bible, tant chez Philon et Josèphe que dans le Nouveau Testament est également au pluriel : « Graphaï », les Ecritures. Mais, tandis que le mot « Graphaï » a été traduit en latin par « Scripturae », le mot Bible est une traduction au singulier du pluriel grec. La Bible est en effet composée d’une multitude de livres écrits à des époques et en des contextes différents, selon une grande variété de styles : récits, chroniques, lois, prières, poèmes, sentences de sagesse. Le même terme « la Bible » recouvre une dualité décisive : celle de l’Ancien et du Nouveau Testament ; le premier corps étant celui des Ecritures juives, le second, celui des écrits dans lesquels les chrétiens ont rendu compte de la « nouvelle alliance ». En outre, l’Ancien Testament, commun aux deux traditions, a fait l’objet de deux lectures différentes. Il en résulte que le terme « Bible » recouvre une ambiguïté certaine. Il désigne tantôt la Bible hébraïque, la Tanakh du peuple juif, tantôt la totalité des deux livres, l’Ancien et le Nouveau Testament, celui-ci étant pour les judéo-chrétiens l’accomplissement de celui-là.
La Loi (ou Pentateuque) : Genèse, Exode, Lévitique, Nombres, Deutéronome.
Livres Historiques : Josué, Juges, Premier Livre de Samuel, Deuxième
Livre de Samuel, Premier Livre des Rois, Deuxième Livre des Rois,
Premier Livre des Chroniques, Deuxième Livre des Chroniques,
Esdras, Esdras II ou Néhémie, Premier Livre des Maccabées,
Deuxième Livre des Maccabées.
Les Quatre Grands Prophètes : Le Livre d’Isaïe, Jérémie,
Ezéchiel, Le Livre de Daniel, Suppléments grecs au Livre
de Daniel.
Les Douze Petits Prophètes : Osée, Joël, Amos, Abdias,
Jonas, Michée, Nahum, Habacuc, Sophonie, Aggée, Zacharie,
Malachie.
Les Trois Livres Prophétiques : Les Psaumes, Le Livre de Job,
Les Proverbes.
Les Cinq Rouleaux : Le Cantique des Cantiques, Ruth, Les Lamentations,
L’Ecclésiaste, Esther, Compléments au Livre d’Esther.
Les Deutérocanoniques : Le Livre de Tobit, Judith, Baruch, Lettre
de Jérémie, La Sagesse de Salomon, L’Ecclésiastique
ou Le Siracide.
Evangile selon Matthieu, Evangile selon Marc, Evangile selon Luc, Evangile selon Jean, Actes des Apôtres, Epître aux Romains, Première Epître aux Corinthiens, Deuxième Epître aux Corinthiens, Epître aux Galates, Epître aux Ephésiens, Epître aux Philippiens, Epître aux Colossiens, Première Epître aux Thessaloniciens, Deuxième Epître aux Thessaloniciens, Première Epître à Timothée, Deuxième Epître à Timothée, Epître à Tite, Epître à Philémon, Epître aux Hébreux, Epître de Jacques, Première Epître de Pierre, Deuxième Epître de Pierre, Première Epître de Jean, Deuxième Epître de Jean, Troisième Epître de Jean, Epître de Jude, Apocalypse de Jean.
Référence : La Bible « Bibliothèque
de la Pléiade » : vol. 1, A.T., introduction par Edouard
Dhorme, traductions et notes par E. Dhorme, F. Michaéli, A. Guillaumont
; vol. 2, A.T., introduction par Edouard Dhorme, traductions et notes
par E. Dhorme, J. Koenig, F. Michaéli, J. Hadot, A. Guillaumont,
index par M. Léturmy ; vol. 4, N.T., introduction par Jean Grosjean,
textes traduits, présentés et annotés par J. Grosjean
et M. Léturmy, avec la collaboration de P. Gros. (3 vol., Ed.
Gallimard, Paris 1956-59-71)
La Bible d’Alexandrie (La Septante). Traduction du texte grec,
introduction et notes par Marguerite Harl (Ed. Cerf, Paris 1986)
Le « Muratorianum » ou « Canon de Muratori » est ainsi nommé d’après celui qui l’a découvert, à Milan en 1740. Ce fragment témoigne des écrits officiellement reçus par l’Eglise de Rome vers 190. Les 85 lignes conservées commencent au milieu d’une phrase par l’Evangile de Marc et s’arrêtent brusquement après une énumération d’écrits « hérétiques ». Le texte ne donne aucune indication sur son auteur, son origine géographique ou l’époque de sa publication. Le contexte dans lequel il est apparu n’est pas non plus clair. En outre, le latin employé pour sa rédaction est à ce point barbare qu’une interprétation sûre de bien des phrases est impossible. La littérature concernant le « Canon de Muratori » est aussi large que le nombre des hypothèses formulées à son endroit.
Référence : Le Canon de Muratori. Traduction de M. J. Lagrange (in n° 49 « Cahiers Evangéliques », Ed. Cerf, Paris 1984)
Clément d’Alexandrie est probablement né à Athènes. Il est contemporain d’Irénée et de Tertullien. Païen converti, il voyage en Italie, en Syrie, en Palestine, à la recherche des maîtres les plus renommés. C’est à Alexandrie, où il se fixe vers 190, qu’il reçoit (probablement du philosophe chrétien Pantène) « un trésor pur de connaissance ». Il tient école et se consacre à la rédaction de ses ouvrages. Clément s’y adresse à des dilettantes cultivés, païens et chrétiens. Cette école ne doit pas être confondue, comme le fit Eusèbe lui-même, avec l’Ecole catéchétique officielle de l’Eglise d’Alexandrie, dont l’évêque Démétrius (qui en confiera la direction au jeune Origène, en 203) semble avoir été le créateur. Fut-il prêtre ? Les deux témoignages qui l’assurent ne sont pas certains : il s’agit d’un texte corrompu du Pédagogue et d’une lettre citée par Eusèbe. Dès 202-203, la persécution de Septime Sévère contraint Clément à l’exil. Il se retire en Cappadoce où il poursuit son œuvre d’enseignement et d’écrivain. Ses écrits comprennent notamment Le Protreptique (12 chapitres) qui est une « exhortation » aux Grecs, un appel pressant à la conversion, Le Pédagogue (3 livres) qui est la suite logique du Protreptique, où l’on voit le Christ pédagogue s’adresser aux baptisés, Les Stromates de mémoires gnostiques selon la vraie philosophie (8 livres) (env. 179) qui mêlent les concepts de la gnose chrétienne au discours éthique. L’ouvrage laisse une large place aux citations des philosophes grecs. Il constitue un moment du moyen platonisme. Clément préconise et démontre l’utilité de la philosophie grecque dans la discussion avec les hétérodoxes et dans l’élaboration de la théologie chrétienne. Il applique à tous les textes, profanes ou sacrés, l’exégèse allégorique, qui lui paraît seule convenir au « cryptage » inhérent au discours « gnostique ». L’Ecriture est pour lui l’exemple premier (Strom. 5-6). Il approfondit également la réflexion chrétienne sur les relations entre foi et connaissance.
Référence : Patrologie grecque, VIII-IX. Ed. de Potter, traduction notes et commentaires par J.-P. Migne (« Sources chrétiennes » n° 2, 23, 30, 38, 70, 108, 158, 278, 279, Ed. Cerf, Paris)
Evêque de Rome après Pierre, Lin, Anaclet (Irénée,
CE. 3, 3), probablement entre les années 92/93-101, Clément
semble être d’origine juive. Il admire Rome, au point qu’il
pourrait être citoyen romain. La culture de Clément est
celle du judaïsme hellénistique. Depuis la seconde moitié
du IIe siècle, la tradition est unanime à lui attribuer
la lettre anonyme adressée par l’Eglise de Rome à
l’Eglise de Corinthe (env. 95/98). Clément cite l’Ecriture
dans la version des Septante. On relève dans le document des
citations ou des emprunts libres à Euripide et à Sophocle.
Son admiration marquée devant l’ordre et l’harmonie
qui règnent dans la nature (20-22) appartient au mode de la pensée
stoïcienne.
Sans aucune vraisemblance, Origène et Jérôme ont
voulu voir en Clément de Rome le disciple de Paul (mentionné
en Philippiens 4, 3). On ne saurait davantage l’identifier au
consul Flavius Clemens dont l’exécution pour cause de «
mœurs juives », sur ordre de Domitien, a influencé
les récits légendaires du martyre de Clément. Serait-il
l’auteur de l’Epître aux Hébreux ? Origène
et Eusèbe (HE. 3, 28, 1-3) se sont posés la question.
La parenté des écrits est indéniable (voir 36,
1-3).
L’Epître de Clément de Rome aux Corinthiens fut écrite
à l’occasion de troubles survenus dans la communauté
chrétienne de Corinthe, où de jeunes membres s’étaient
insurgés contre les presbytres, au point de les déposer
de leurs charges. L’Eglise de Rome s’entremit pour rappeler
les révoltés à l’obéissance envers
leurs pasteurs légitimes. Clément montre une conscience
achevée de la structure hiérarchique de la communauté
chrétienne dont le gouvernement semble encore de type collégial.
De la mission du Christ, « Seigneur et Fils de Dieu », découle
la mission des apôtres, qui, à leur tour, instituent épiscopes
(ou presbytres) et diacres. Leur pouvoir ne saurait être infirmé
par d’autres membres de la communauté. L’Epître
constitue un manifeste de la juridiction ecclésiastique, une
affirmation de la doctrine de la succession apostolique. Ecrite dans
une langue simple et claire, l’Epître de Clément
de Rome aux Corinthiens est très inspirée des Ecritures
et de la diatribe stoïcienne.
Référence : Epître de Clément de Rome aux Corinthiens. Traduction de Sr. Suzanne-Dominique, in « Les Pères Apostoliques » (« Foi vivante », Ed. Cerf, Paris 1990)
Dans les manuscrits, l’Epître de Clément de Rome aux Corinthiens est suivie d’une Seconde Epître de Clément de Rome aux Corinthiens. Le contenu et le style montrent qu’il ne s’agit pas d’une lettre et que l’écrit n’est pas de Clément de Rome. Eusèbe et Jérôme l’écartaient déjà. Il s’agit d’une homélie, du plus ancien sermon chrétien qui nous ait été conservé. Le texte peut être daté de l’an 150 environ et venir aussi bien de Corinthe, d’Alexandrie que de Rome. L’auteur présente Jésus comme Dieu et « Juge des vivants et des morts ». Il exhorte à la pénitence, à la fidélité et à la garde du « sceau » du baptême. Il prêche la résurrection de la chair. L’Eglise « spirituelle a été créée avant le soleil et la lune, elle est devenue visible dans la chair du Christ ».
Référence : Homélie du IIe siècle, dite anciennement : Deuxième Epître de Clément de Rome aux Corinthiens. Traduction de Sr. Suzanne-Dominique, in « Les Pères Apostoliques » (« Foi vivante », Ed. Cerf, Paris 1990)
Il faut mentionner ici l’existence et l’importance
d’une Littérature pseudo-clémentine. Elle comprend
deux recueils apocryphes attribués à Clément de
Rome : d’une part, vingt Homélies, conservées en
grec, se présentant comme la prédication missionnaire
de Pierre ; d’autre part, les Reconnaissances qui, divisées
en dix livres et conservées dans une traduction latine de Rufin,
forment un roman du type des romans grecs de voyages et d’aventures
(les membres de la famille de Clément se perdent et se retrouvent
grâce à Pierre).
L’origine de ce recueil est très obscure. On peut penser
qu’il date du IVe siècle, dans son état actuel.
Il semble provenir du remaniement et du développement d’un
recueil plus ancien (Syrie, première moitié du IIIe siècle)
qui utiliserait lui-même des matériaux antérieurs
(Prédications de Pierre). Ces textes reflètent la théologie
dualiste du judéo-christianisme : Paul y est présenté
comme « l’homme ennemi » qui a falsifié la
Loi ; mais Pierre (Clément ?) l’a rétablie dans
sa pureté.
La Lettre de Pierre à Jacques et L’Engagement solennel
qui la suit faisaient parti des Kérygmes de Pierre. Ce sont les
plus anciens documents que nous offre la Littérature pseudo-clémentine
(fin 1er siècle) (voir la Lettre de Pierre à Philippe
dans la bibliothèque de Nag Hammadi). La Lettre se présente
comme lettre d’accompagnement des prédications qu’elle
recommande à Jacques de ne communiquer qu’à des
« chrétiens sûrs et circoncis » qui prendront
« l’engagement solennel » de les tenir secrètes.
L’Epître de Clément à Jacques a un triple
objet : d’abord, Clément apprend à Jacques la mort
violente de Pierre ; puis, il lui notifie le choix que Pierre a fait
de lui-même, Clément, pour lui succéder comme évêque
de Rome ; enfin, il lui annonce l’envoi d’une nouvelle série
de prédications de Pierre.
Les deux Lettres aux vierges, conservées intégralement
dans une traduction syriaque, et en partie dans le grec original, combattent
la cohabitation suspecte des ascètes avec les vierges consacrées.
Ces Lettres aux vierges peuvent remonter au IIIe siècle.
Référence : Les Homélies Clémentines. Traduction, introduction et annotations de André Siouville (Ed. Verdier, Lagrasse 1991)
Cyprien naît, probablement, à Carthage au moment
où Tertullien passe au montanisme. Issu d’une riche famille
païenne, il se convertit vers l’an 246. Il est élu
évêque en 248/249 malgré la très vive opposition
de Novatien. Cyprien admire Tertullien. Il continue son œuvre dans
le domaine apologétique, moral et disciplinaire. Il quitte Carthage
au cours de la persécution de Dèce (250). Après
son retour, il pose la question des « lapsi » de façon
rigoureuse et doit faire face au schisme provoqué par le diacre
Felissimus. Dès 255, Cyprien s’engage dans la controverse
sur le baptême des « hérétiques », à
propos du baptême reçu dans l’Eglise schismatique
de Novatien. Suivant la coutume de l’Eglise d’Afrique, Cyprien
est intransigeant : tout « hérétique », tout
schismatique revenant à « l’Eglise » doit recevoir
à nouveau le baptême. Le point de vue de Rome est tout
autre et Cyprien entre en conflit avec l’évêque Etienne.
La controverse est interrompue par la persécution de Valérien,
pendant laquelle Cyprien est martyrisé (14 septembre 258).
L’unité de l’Eglise (251) constitue le traité
de Cyprien qui devait exercer l’influence la plus profonde. L’œuvre
semble attaquer le schisme de Felissimus, à Carthage, mais également
(et peut-être principalement) elle s’en prend au schisme
semblable de Novatien à Rome. Cyprien attribue la responsabilité
des schismes et des hérésies au démon. Chaque chrétien
doit rester fidèle à l’Eglise qui est la seule voie
de salut. Il est impossible d’avoir Dieu pour Père sans
avoir l’Eglise pour Mère. En effet, l’Eglise est
« l’Epouse du Christ » et « l’homme qui,
se séparant de l’Eglise, s’unit avec une adultère
se prive des promesses de l’Eglise ». Par conséquent,
le caractère fondamental de l’Eglise est l’unité
qui repose sur la fidélité à l’évêque.
Cyprien fait preuve d’un sens profond des devoirs imposés
par sa dignité épiscopale, qu’il considère,
à la manière des romains, comme une magistrature.
A Démétrien (252) est un traité qui se propose
de réfuter un certain Démétrien. Celui-ci accusait
les chrétiens des calamités qui avaient frappé
l’Empire romain.
Parmi les Lettres de Cyprien, la LXIIIe, qui a parfois pour titre Sur
le sacrement du calice du Seigneur, revêt l’importance d’un
traité. Cette lettre interdit de remplacer, dans la Cène
du Seigneur, le traditionnel mélange de vin et d’eau par
de l’eau seulement, selon une habitude qui s’était
diffusée dans quelques communautés chrétiennes
(à la suite de la pratique marcionite). Il s’agit du seul
écrit composé avant le concile de Nicée (325) qui
soit consacré exclusivement à la célébration
eucharistique. Son importance est fondamentale pour l’histoire
du dogme chrétien. L’œuvre repose entièrement
sur l’idée du sacrifice : le sacrifice du prêtre
est la répétition de la Cène où le Christ
s’offrit lui-même au Père (14). C’est ainsi
que Cyprien est le premier à affirmer de façon explicite
que le corps et le sang du Christ constituent l’oblation. La Cène
et le sacrifice eucharistique de l’Eglise sont la représentation
du sacrifice du Christ sur la croix.
Référence : Saint-Cyprien, correspondance.
Texte établi et traduit par le chanoine Bayard (Ed. « Les
Belles lettres » 2 vol. Paris, 1962)
Cyprien, Contre Démétrien. Ed. du Ad Demetrianum in M.
Lavarenne, Clermont-Ferrand 1940)
Cyprien, de l’unité de l’Eglise catholique. Traduction
et notes de P. de Labriolle (Paris 1942)
La date et le lieu de composition restent controversés. Il semble cependant que l’œuvre ne puisse être datée après le IVe siècle et qu’elle provienne de Cappadoce. L’influence du Corpus Dionysiacum fut considérable. Pour l’auteur, l’objet de « l’illumination » chrétienne est une « théosophie », c’est-à-dire une sagesse appliquée aux réalités divines. Cette sagesse mérite, pour l’auteur, « le beau nom de philosophie ». Toute théologie est mystique ; de sorte que la théologie apparaît moins comme discussion systématique que comme révélation. La théologie fondamentale, c’est l’Ecriture qui apparaît comme un recueil d’oracles plus ou moins sibyllins venant de Dieu.
Référence : Œuvres complètes du pseudo-Denys l’Aréopagite, traduction, commentaires et notes de Maurice de Gandillac (Ed. Aubier, Paris 1980).
Découvert au couvent du Saint-Sépulcre de
Constantinople en 1873, ce document n’était pas totalement
inconnu : une liste d’écrits chrétiens dressée
par Eusèbe le mentionnait pour le mettre au rang des apocryphes,
tout comme Le Pasteur d’Hermas, L’Epître (attribuée)
à Barnabé et L’Apocalypse de Jean. Athanase (367)
nous apprend que La Didaché est depuis longtemps utilisée
en Egypte pour la formation des catéchumènes (Lettre festale
39). De plus, on a cru reconnaître, à la lecture du texte,
que de très nombreux auteurs la citaient. Parmi eux, les plus
anciens sont : Le pseudo-Barnabé et Hermas. La Didaché
leur était donc antérieure ? A moins que l’auteur
de La Didaché n’ait copié lui-même le pseudo-Barnabé
et Hermas ?
Les six premiers chapitres, que l’on appelle le Duae Viae (Les
deux voies), ne constituent nullement une composition de l’auteur
; tout y est spécifiquement juif. L’auteur a christianisé
un texte juif en y insérant une longue interpolation empruntée
à la tradition évangélique du « Sermon sur
la montagne ». Cet écrit judéo-chrétien,
qui pourrait provenir de Syrie, peut-être d’Antioche, était
destiné à la catéchèse primitive. Il suppose
un ministère apostolique encore itinérant mais prévoyant
une organisation. Il constitue un témoin de l’Eglise judéo-chrétienne
primitive et nous renseigne sur sa vie et son organisation.
Référence : La Didaché, doctrine du Seigneur transmise aux nations par les douze apôtres. Traduction de Fr. Refoulé, notes de Fr. Louvel in « Les Pères Apostoliques » (« Foi vivante », Ed. Cerf, Paris 1991)
Plus que d’une lettre, il s’agit d’un discours. Ce discours est une apologie qui se conclut en exhortation. L’auteur possède une remarquable maîtrise des procédés rhétoriques. On a proposé Apollos comme auteur, ou encore Pantène. Marrou propose comme destinataire Claudios Diognetos, administrateur romain, procurateur équestre, grand prêtre d’Egypte en 197. L’écrit s’apparente à la tradition des apologistes. La Lettre à Diognète dépend probablement du texte apologétique connu sous le titre de Prédication de Pierre (env. 120). L’auteur montre une ironie cinglante et outrancière envers les païens, les juifs et les philosophes. Sa thèse consiste à dévoiler le paradoxe de la société spirituelle chrétienne qui est dans le monde sans être du monde. La chrétienté est l’âme cosmique. La pensée de l’auteur emprunte à la tradition platonicienne et s’appuie sur l’enseignement stoïcien. Les qualités de lumière du monde et de sel de la terre ne sont pas celles de tous les chrétiens, mais d’une élite. Grâce aux chrétiens, l’Empire est protégé, les catastrophes sont évitées, la fin du monde est retardée. On notera l’importance accordée à la connaissance de foi et d’amour dans l’exhortation finale. L’auteur revendique la « véritable gnose ».
Référence : A Diognète. Traduction H.-I. Marrou, notes de Fr. Louvel in « Les Pères Apostoliques » ( « Foi vivante », Ed. Cerf, Paris 1991)
Bien que l’évêque de Salamine de Chypre (367), violent adversaire des ariens et des disciples d’Origène, s’inscrive dans l’après Nicée, nous le retenons dans nos biographies pour son œuvre, le Ponarion (ou Boîte à drogues), qui donne un témoignage intéressant sur l’histoire des idées chrétiennes.
L’Epître de Jacques : Origène cite l’Epître comme écriture inspirée. Eusèbe de Césarée indique qu’elle est encore contestée au début du IVe siècle. Elle est inconnue de Tertullien et de Cyprien de Carthage. Elle est également absente du Canon de Muratori (vers 190) et du catalogue de Mommsen (vers 360). L’accord de la critique est large pour ne pas attribuer l’Epître à Jacques (quelque soit d’ailleurs le Jacques : Jacques, frère du Seigneur, l’apôtre Jacques, fils de Zébédée, frère de Jean, l’apôtre Jacques, fils d’Alphée). L’œuvre présente une affinité remarquable avec les écrits dont la composition se situe au tournant du Ier siècle, particulièrement avec la Lettre de Clément de Rome et le Pasteur d’Hermas. Elle proviendrait du même milieu judéo-chrétien. L’opposition à Paul est particulièrement nette.
L’Epître de Jude : Jude qui se dit « frère de Jacques » semble se donner pour frère de Jésus (v. 1). Il se distingue du groupe des apôtres (v. 17). L’œuvre qui pourrait effectivement dater des derniers temps apostoliques stigmatise les chrétiens qui n’adhèrent pas à la ligne judéo-chrétienne.
Les Epîtres de Pierre : La première Epître a peut-être été utilisée par Clément de Rome et probablement par Polycarpe. C’est à partir d’Irénée qu’on l’attribue explicitement à Pierre. L’auteur indique qu’il écrit de Rome, où il se trouve avec Marc, et que la transcription grecque de la lettre est assurée par Sylvain, le disciple de Paul. Il s’adresse aux judéo-chrétiens de la diaspora et aux nouveaux convertis du paganisme. La seconde Epître n’a pas un usage attesté avant le IIIe siècle. Origène, Eusèbe et Jérôme nous rapportent qu’elle est très controversée. Avec un accord plus général que pour la précédente, il est admis que la seconde Epître n’est pas de Pierre.
Les Epîtres de Jean : La tradition a conservé trois Epîtres sous le nom de Jean. Origène, Eusèbe et Jérôme indiquent que ces Epîtres faisaient l’objet de contestations. Elles offrent cependant une parenté littéraire et doctrinale avec l’Evangile de Jean ; ce qui laisse penser qu’elles appartiennent à un même courant chrétien. La troisième Epître est vraisemblablement la première en date. Elle cherche à régler un conflit d’autorité. La deuxième met en garde contre le docétisme. La première, la plus importante, s’adresse aux Eglises judéo-chrétiennes d’Asie qui sont confrontées à d’autres courants chrétiens.
On a désigné Barnabé, le compagnon de Paul, comme auteur de l’Epître. Origène suivit Clément d’Alexandrie en ce sens. Tenue pour apostolique, l’Epître eut sa place parmi les livres canoniques. Le Sinaïticus (manuscrit du IVe siècle) en fait foi. Eusèbe et Jérôme, au contraire, comptent l’Epître au nombre des apocryphes. Il semble que l’œuvre ait été écrite en Egypte, soit sous le règne de Nerva (96-98), soit, plus probablement, sous celui d’Hadrien (117-138). L’exégèse allégorique qu’elle propose la situe dans le courant de la pensée de Philon d’Alexandrie. Le nom de Pantène a été proposé pour l’auteur. Celui-ci tente de communiquer au lecteur « la connaissance parfaite », cette gnose qui s’inscrit dans le grand courant intellectuel d’Alexandrie, et met en garde contre « le péril juif ». L’Epître nous aide à comprendre le cheminement des pensées chrétiennes à l’égard de la Thora. L’auteur se situe ici à mi-chemin entre l’Epître aux Hébreux et les Antithèses de Marcion. Il donne à la loi une interprétation allégorique et ne lui conserve aucune valeur transitoire. Il se refuse à reconnaître, qu’aujourd’hui dépassée, elle ait été, à son heure, bonne et nécessaire.
Référence : Pseudo-Barnabé, lettre. Traduction de Sr. Suzanne-Dominique, notes de Fr. Louvel in « Les Pères apostoliques » (« Foi vivante », Ed. Cerf, Paris 1991)
Epître aux Colossiens : Les rapports très étroits, stylistiques et théologiques, avec Ephésiens rapprochent les deux Epîtres (en dépit de certaines différences). Colossiens s’éloigne de Paul ; notamment par sa conception de la christologie, de l’Eglise, du baptême, de la fonction apostolique et de l’eschatologie. L’auteur a recours à certaines pensées authentiquement pauliniennes. Il est au courant des difficultés de la mission de Paul. L’Epître marque un infléchissement recherché de la pensée de Paul. Colossiens semble avoir été écrite peu de temps avant Ephésiens.
Epître aux Ephésiens : Cette Epître n’a probablement pas été écrite pour les Ephésiens. Il s’agit d’un traité théologique (plutôt que d’une lettre), en corrélation avec certaines pensées de l’Epître aux Colossiens, développé de façon autonome. Le style n’est pas paulinien et des divergences apparaissent nettement avec la théologie de Paul (en particulier au sujet de l’Eglise en tant que corps cosmique dont le Christ est « le chef »). La cosmologie est influencée par la gnose. Marcion parlait d’une Epître aux Laodicéens. La thèse de R.J. Hoffmann est que l’Epître aux Ephésiens (rédigée autour de l’an 100) est un arrangement « orthodoxe » de Laodicéens.
II Thessaloniciens : L’auteur suit de très près 1 Thessaloniciens, jusque dans les tournures insignifiantes. La situation épistolaire (fictive) est la même. Si elle était authentique, l’Epître devrait avoir été écrite immédiatement après I Thessaloniciens. Mais, en ce cas, l’utilisation littéraire, par Paul lui-même, de sa propre lettre antérieure serait inhabituelle. La réponse toute autre donnée à la question de la fin du monde et de la parousie du Christ, à l’aide d’une information apocalyptique développée, serait insolite (énumération des événements qui doivent survenir avant l’ « eschaton » et qui retarderont la fin en 2, 1-2). L’auteur, pour qui la société (ses structures et sa morale) constitue la réalité fondamentale, cherche à remettre la communauté dans les rangs. Il polémique contre de « prétendues lettres de Paul » (2,2) qui annoncent la proximité immédiate du jour du Seigneur (I Thessaloniciens ?). La signature de la propre main de Paul est invoquée en tant que signe de « l’authenticité » de II Thessaloniciens.
Epîtres Pastorales : Il s’agit des deux Epîtres à Timothée et de l’Epître à Tite. Leur authenticité est généralement contestée pour des motifs de critique interne. Historiquement, les lettres « pastorales » font état d’hérésies et supposent une hiérarchie qui ne devaient exister qu’au IIe siècle. On remarque également que, sur le plan littéraire, leur style et leur vocabulaire se différencient nettement de ce que l’on sait de Paul. Sur le plan doctrinal, la théologie de la liberté proclamée par Paul fait place à un message moralisant de soumission à la loi de l’Empire. La situation biographique est d’autre part impossible à vérifier dans le livre des Actes ou dans les autres Epîtres incontestées. Les Epîtres pastorales pourraient avoir été rédigées autour des premières décennies du IIe siècle.
Né, probablement, à Césarée
de Palestine, Eusèbe reçoit une savante formation chez
Pamphile, dans l’école fondée par Origène.
Il doit à son immense érudition le succès d’une
carrière qui l’a conduit à l’épiscopat
et qui a fait de lui le panégyriste officiel de l’empereur
Constantin. Dans les derniers mois de la grande persécution de
303-307, Pamphile est emprisonné pour être exécuté
en 310. Eusèbe se réfugie d’abord à Tyr et,
ensuite, en Egypte. Il retourne à Césarée pour
être élu à l’épiscopat entre 315 et
320. C’est la période la plus intense de sa production
littéraire. Il rédige une première version de son
Histoire de l’Eglise, une Vie de Pamphile, et un récit
sur les Martyrs de Palestine. L’Histoire a été construite
à partir d’un cadre chronologique préétabli
dans lequel Eusèbe a ensuite inséré « les
passages utiles cueillis chez les écrivains anciens » (1,
1-4). La documentation qu’il met en œuvre est limitée
à un certain nombre de centres d’intérêt.
L’Histoire n’a pas été publiée en une
seule fois et a donné lieu à des remaniements importants,
en fonction des événements qui ont modifié la situation
de l’Eglise dans l’Empire durant cette période (312-325).
C’est de cette époque que datent la Préparation
Evangélique et la Démonstration Evangélique.
La Préparation constitue un ouvrage en quinze livres (parvenus
entiers dans le texte grec) par lequel Eusèbe se propose de réfuter
le polythéisme païen et de démonter la supériorité
de la religion hébraïque, qui aida à la « préparation
à l’Evangile ». L’ouvrage se veut « un
guide qui puisse favoriser l’instruction, donner une première
introduction et s’adapter à nos récents convertis
du paganisme ».
Dans la Démonstration, Eusèbe réplique aux accusations
des juifs qui reprochent aux chrétiens de n’accepter le
judaïsme que pour prétendre aux droits du peuple élu,
sans observer les obligations de la loi. Eusèbe répond
à cette critique par cette œuvre en vingt livres, dont il
ne reste que les dix premiers et un fragment du XVe. Il résulte
de ceux-ci que l’auteur ôte aux juifs l’usage privilégié
des Ecritures. Elles ont, à ses yeux, une valeur universelle
et s’accomplissent dans la religion chrétienne.
Rapidement, Eusèbe est impliqué dans la querelle théologique
soulevée par Arius, pour qui il prend parti. A partir du concile
de Nicée, il est de plus en plus engagé dans la politique
ecclésiastique. Lorsque Constantin meurt, en 337, Eusèbe
écrit un éloge enthousiaste du prince ami de Dieu qui
vient d’inscrire dans l’histoire le triomphe longuement
préparé de l’Eglise. La ferveur apologétique
d’Eusèbe est claire dès ses premiers ouvrages. Vers
le début de la persécution, il réfute le Philalèthès,
ouvrage du gouverneur Hiéroclès, qui compare Jésus
et Appolonios de Tyane. Mais c’est la lecture du traité
en quinze livres du néo-platonicien Porphyre, Contre les chrétiens
(271), qui semble avoir été l’élément
déterminant quant à l’orientation de son activité
littéraire. Sa réfutation en vingt-cinq livres est aujourd’hui
perdue. Mais c’est l’ensemble de son œuvre qui se veut
une réfutation du philosophe. A travers Porphyre, c’est
toute la civilisation antique qui rejette le christianisme comme constituant
un refus irrationnel des valeurs de l’hellénisme. Eusèbe
s’emploie à montrer que le triomphe de l’Eglise est
le phénomène historique décisif préparé
depuis des siècles.
Référence : Histoire Ecclésiastique. Traduction et annotation par Gustave Bardy (4 vol. « Sources Chrétiennes », Ed. Cerf, Paris 1986-55-93-87)
La grande similitude des trois évangiles synoptiques, autant que leurs quelques divergences, a posé la question de leur compilation successive. Certains exégètes pensent que les trois textes prennent appui sur un évangile primitif rédigé en hébreu ou en araméen, ayant fait l’objet d’une tradition orale parmi les disciples. Plutôt qu’à un évangile disparu, d’autres exégètes pensent que des paroles de Jésus (logia) et des bouts de récits circulaient dans les communautés primitives. Les auteurs des textes évangéliques auraient alors pratiqué une mise en forme de leurs sources. La combinaison de ces deux hypothèses est généralement retenue. L’évangile disparu est appelé Source Q par les exégètes (« quelle » signifie « source » en allemand). La plupart d’entre eux pensent que Marc a précédé Matthieu et Luc. Cependant R. L. Lindsey et D. Flusser reviennent à la thèse augustinienne selon laquelle Matthieu a précédé Marc.
L’Evangile de Matthieu : Les trois synoptiques montrent un apôtre répondant au nom de Matthieu. L’Eglise ancienne identifiait celui-ci à Lévi, le publicain. Au début du IIe siècle, Papias, évêque de Hiérapolis en Phrygie, affirmait, selon Eusèbe de Césarée, que « Matthieu réunit en langue hébraïque les logia (de Jésus) et chacun les interpréta comme il en était capable » (HE. 3, 39, 16). A partir de ce témoignage, on pense généralement que l’Evangile, en langue grecque, est l’œuvre d’un disciple de Matthieu qui aurait travaillé sur des textes hébreux ou araméens. L’incertitude est probablement aussi grande quant à la date de rédaction du texte que l’on situe entre 60 et 115 (date de la première citation par Ignace d’Antioche). A. T. Robinson a fait remarquer que la destruction du Temple aurait été évoquée dans l’Evangile si celui-ci lui était postérieur. Si l’on ignore le lieu de composition, on comprend qu’il provient d’un milieu judéo-chrétien de langue grecque.
L’Evangile de Marc : L’auteur n’est pas nommé. L’Eglise attribue l’Evangile à Marc, plusieurs fois cité, par ailleurs, en compagnie de Pierre ou de Paul. Marc serait le compagnon de Jean, fils de Marie, cousin de Barnabé. Il est juif, parlant l’hébreu et l’araméen, moins bien le grec. La datation de l’ouvre reste incertaine, entre 40 et 75. Plusieurs critiques pensent qu’elle pourrait être postérieure à la mort de Pierre, vers l’an 65. Le lieu de composition reste controversé : Antioche, Rome ou Alexandrie ? Une tradition, qui date de Papias (70-130), indique que Marc tire de Pierre une partie des matériaux de son évangile. Cette thèse semble être appuyée par la critique du texte. Celui-ci débute au moment où Pierre devient disciple de Jésus. Il porte l’accent sur la prédication en Galilée, particulièrement sur le site de Capharnaüm où l’on sait que Pierre avait sa maison.
L’Evangile de Luc : La tradition judéo-chrétienne veut que l’auteur du IIIe évangile soit également l’auteur des Actes des Apôtres. La critique contemporaine éloigne les deux ouvrages d’une ou deux générations. L’auteur de l’Evangile nous est à peu près inconnu. Luc a exercé la profession de médecin. Il n’est pas juif, mais il est instruit dans les Ecritures. Il est probablement syrien, originaire d’Antioche. On a formulé l’hypothèse que Luc aurait composé l’Evangile après la disparition de Paul, avec lequel il aurait été lié, au cours d’un voyage en Grèce, entre 60 et 84.
L’Evangile de Jean : L’identification de l’auteur du IVe évangile pose problème. La plus ancienne tradition judéo-chrétienne attribue l’œuvre à Jean, fils de Zébédée, frère de Jacques, qui l’aurait écrite dans sa vieillesse à Ephèse. L’hypothèse que l’œuvre soit de Jean le Presbytre est également retenue. Enfin, d’éminents critiques pensent qu’une école johannique a pu recueillir la tradition de l’apôtre pour donner, par la suite, la composition de l’Evangile que nous connaissons. J. Genot-Bismuth, forte d’une profonde connaissance du milieu ethnique judéen, tente d’établir, avec l’aide de la plus ancienne lecture rabbinique et en exploitant les découvertes de l’archéologie moderne, que l’Evangile de Jean est en réalité la traduction grecque de notes prise en hébreu par Jean qui était prêtre (J. Genot-Bismuth, Un homme nommé Salut, Ed. F.-X. de Guibert, Paris 1986-95). On est amené à penser que dans sa mouture finale, le texte a pu être rédigé à Ephèse dans un contexte anti-marcionite qui apparaît clairement dans le prologue.
Nous retenons Eznik dans notre bibliographie, bien qu’il
inscrive son action et son œuvre dans l’après Nicée.
En effet, ce disciple du moine Mesrob Machtotz (l’inventeur de
l’alphabet arménien) est le rédacteur d’un
traité théologique et philosophique : De Dieu (445-448).
Cette apologie du christianisme est une réfutation des «
hérésies » des sectes et des religions païennes.
Nous ne connaissons pas le titre original de ce traité théologique.
Découvert et publié pour la première fois à
Smyrne en 1762, sous le titre Livre des controverses, il fut de nouveau
édité à Venise, en 1826, sous le titre Réfutation
des sectes. L. Mariès a observé que l’œuvre
dans son ensemble est moins une réfutation, qu’un exposé
« de Dieu », titre conventionnel qu’il a retenu pour
son édition critique et pour sa traduction française.
L’œuvre apparaît comme une apologie systématique
de la conception judéo-chrétienne du Dieu unique, créateur
de l’univers et absolument transcendant. Son être étant
insondable et ineffable, il n’y a pas lieu d’en parler,
sous peine de verser dans la mythologie. En revanche, il convient d’examiner
en quoi ses rapports avec la création confirment la transcendance
et l’unicité de son essence, tout en justifiant le culte
d’adoration qui lui est dû, à lui exclusivement.
A sa propre position qui est celle des fidèles « intérieurs
» à l’Eglise de Dieu, Eznik oppose celle des païens,
gens de « l’extérieur », Grecs ou Perses, qu’il
faut convaincre par la raison naturelle, et des « hérétiques
» qui « se prétendent » de l’intérieur,
en sorte qu’on peut leur répliquer aussi par l’Ecriture
(2, 144). Ces deux types d’adversaires correspondent à
deux erreurs opposées sur le rapport entre Dieu et sa création.
Ceux de l’extérieur seront inéluctablement conduits
à nier la transcendance divine et à confondre Dieu avec
ces créatures ; ceux de l’intérieur, comme Marcion,
auront tellement le souci de la transcendance divine que, pour eux,
Dieu devient l’Etranger absolu qui intervient comme compassion
dans le monde qu’il n’a pas créé (358). Mais
en réalité, Dieu est à la fois transcendant et
créateur, de toute éternité (350-352).
Après avoir énoncé sa propre conception de Dieu
(1-3), Eznik la défend, d’abord contre ceux de l’extérieur,
sur le problème du mal (4, 266) puis sur celui de la cosmologie
(267-357), qui sont respectivement à l’origine du dualisme
et du polythéisme (ou du panthéisme). Contre Marcion,
qui symbolise à lui seul « l’hérésie
», Eznik souligne l’absurdité d’un Dieu «
étranger », trop transcendant pour être créateur,
et l’illégitimité radicale de son intrusion dans
notre univers : « Car, s’il était Dieu, il aurait
dû lui-même créer des créatures et non pas
convoiter les créatures des autres. Mais puisqu’il n’a
rien fait, il est clair qu’il n’existe pas ! » (359).
Comment, d’ailleurs, prétendre qu’un tel Dieu, par
définition ineffable, ait pu se révéler ? En réalité,
en maintenant à côté de son Dieu, le Créateur
et la Matière, Marcion retombe sans les erreurs dualistes et
polythéistes qu’il croyait avoir évitées.
Quant au reste de sa doctrine, selon Eznik, elle fourmille d’incohérences.
Eznik finit, sans conclusion générale, par une dénonciation
de l’indignité personnelle de l’hérésiarque.
Référence : De Deo. Ed. traduction L. Mariès & C. Mercier (PO, XXVIII, 3-4, Paris 1959)
Adressée à des chrétiens d’origine juive et, sans doute, palestinienne, cette Epître est postérieure à la mort de Jacques (62), mais antérieure à la chute de Jérusalem (70). Clément d’Alexandrie, Origène, Hippolyte de Rome affirment déjà que l’Epître ne saurait être attribuée à Paul. Autrefois attribuée, avec vraisemblance, à Clément de Rome, on pense aujourd’hui que l’écrit pourrait être attribué à Apollos. Ce que disent de lui Paul (1 Co. 1, 12 ; 3, 4-9, 22 ; 4, 6 ; 16, 12 ; voir également Tite 3, 13) et surtout l’auteur des Actes (Actes 13, 24-28) correspond aux qualités et aux tendances de ce texte écrit en grec avec élégance et clarté. Il est un familier des Ecritures tout autant que de l’art de les interpréter à la façon alexandrine. Il s’adresse à des juifs convertis, nombre de prêtres de « l’Ancienne Alliance ».
Auteur chrétien appelé « philosophe » dans les manuscrits, mais sur lequel on n’a aucun renseignement biographique, Hermias occupe une place particulière dans l’histoire de l’apologétique. C’est en effet la personnalité la plus caractéristique du courant de la pensée chrétienne qui s’opposait à la culture païenne et dont Tatien et Tertullien sont les représentants les plus célèbres. Nous connaissons son ouvrage à caractère apologétique : Dérision des philosophes païens. Hermias est animé par la conviction (partagée avec Clément d’Alexandrie) que la philosophie tire son origine « de la défection des anges » (Chap. 1), c’est-à-dire du diable. Il tourne en ridicule les opinions contradictoires des philosophes païens à propos de l’âme humaine (chap. I - II) et des principes constitutifs de l’univers (chap. III - X). Le but de l’œuvre, explique l’auteur, est de révéler la vacuité de la philosophie païenne dans ses diverses expressions. En effet, toutes les théories philosophiques « procèdent à l’infini et n’ont pas de fin » ; leur objet « est difficile à analyser, absolument inutile, non vérifié ni dans un fait clair ni dans une raison évidente » (chap. 19).
Hippolyte est contemporain d’Origène qui l’entendit prêcher à Rome en 212. Quand, en 217, Calixte étant élu évêque de Rome, Hippolyte refuse de le reconnaître, il devient le premier « antipape » de l’histoire. Il est grec d’expression, peut-être est-il d’origine orientale. Il compose contre Calixte un violent pamphlet où il met en cause la facilité à accorder le pardon des péchés. Il persévère dans son opposition sous les deux papes suivants, Urbain et Pontien. Lors de la persécution de 235, Hippolyte et Pontien se retrouvent compagnons de déportation en Sardaigne où ils finissent par se réconcilier.
Les Philosophumena (222/235) semblent devoir être
attribuées à Hippolyte. Du point de vue de la tradition
manuscrite, l’ouvrage se divise en deux parties fort inégales
: la première ne contient que le livre I ; la seconde va du livre
IV au livre X. Les livres II et III manquent totalement. Le livre I
est connu depuis longtemps. Il nous a été conservé
par quatre manuscrits qui se présentent sous le nom d’Origène.
Aussi, a-t-on cru pendant longtemps, sur le témoignage unanime
des manuscrits, qu’Origène était l’auteur
de l’ouvrage. La découverte des sept derniers livres (au
Mont Athos) n’ébranla pas, tout d’abord, cette persuasion,
bien que, dans la préface qui est en tête du livre I, l’auteur
revendique hautement des prérogatives et un rôle qui ne
conviennent qu’à un évêque. La controverse
s’engagea dès le XVIIIe siècle. Si l’on était
à peu près d’accord pour écarter Origène
de la paternité de l’œuvre, il était difficile
de l’accorder au pamphlétaire Hippolyte, « antipape
» de surcroît. Une chose jetait la confusion dans les esprits
: on savait, par différents auteurs, en particulier par Eusèbe
et par Photius, qu’Hippolyte avait composé un traité
contre les hérésies ; or, on ne retrouvait dans les Philosophumena
aucun des caractères du livre d’Hippolyte décrit
par Photius. Mais on ne remarquait pas que l’auteur des Philosophumena,
aux premières lignes de sa préface, parle précisément
d’un autre livre, très court celui-là, qu’il
avait jadis écrit contre les hérésies. Ce premier
essai, lu par Photius, était un résumé des leçons
d’Irénée et semblait avoir été intitulé
: Somme contre toutes les hérésies. Il est maintenant
perdu. Mais le contenu nous en a été conservé par
le pseudo-Tertullien, Philaster et Epiphane. Parmi les œuvres faussement
attribuées à Tertullien, se trouve un petit traité,
Contre toutes les hérésies, souvent imprimé à
la suite de La prescription des hérétiques. Philaster,
évêque de Brescia, mort vers 397, est également
l’auteur d’un opuscule sur les hérésies :
Des hérésies. Comme l’a démontré Lipsius,
le pseudo-Tertullien, Philaster et Epiphane, pour composer leurs propres
livres, ont tous trois fait usage d’un même écrit
plus ancien, qui possède tous les caractères de l’opuscule
d’Hippolyte sommairement décrit par Photius. Harnack s’est
rallié à la démonstration de Lipsius.
Les Philosophumena seraient donc un second ouvrage d’Hippolyte.
L’auteur fait ici un examen minutieux de trente-deux « hérésies
» diverses, gnostiques (depuis les naasènes, les pérates
et les sethiens, à travers les doctrines de Simon de Samarie,
de Valentin et de Marcus, jusqu’à celles de Basilide, de
Marcion et de Carpocrate), mais aussi d’ « hérésies
» parfaitement contraires à la gnose (ébionites,
quartodécimans, montanistes, encratites et même juifs).
Hippolyte a écrit de nombreux ouvrages, dont La Tradition Apostolique
(215), où il rédigea les plus anciennes prières
liturgiques romaines qui aient été conservées.
Après La Didachée, c’est la plus ancienne et la
plus importante des constitutions ecclésiastiques. Elle donne
le rituel de l’ordination, de l’eucharistie et du baptême.
Référence : Philosophumena ou Réfutation de toutes les hérésies. Traduction avec introduction et notes de A. Siouville (Arché, Milano 1988)
La vie d’Ignace (également appelé Théophore)
ne nous est guère connue que par ses propres Lettres. L’absence
quasi totale de références aux Ecritures juives laisse
penser qu’Ignace ne venait pas du judaïsme. Il s’oppose
d’ailleurs avec fermeté aux coutumes juives (Magn. 8-9)
et aux « judaïsants ». Il semble qu’il soit d’origine
syrienne. Condamné aux bêtes, il ne saurait être
citoyen romain. On regarde Ignace comme un converti et on le met en
parallèle avec Paul, l’ancien persécuteur. De part
et d’autre : même protestation d’humilité,
même conscience vive des grâces reçues. A l’occasion
d’une persécution, sous le règne de Trajan, l’évêque
d’Antioche est condamné à être livré
aux bêtes à Rome. Il y est conduit avec d’autres
condamnés. Chemin faisant, il reçoit la visite d’envoyés
des communautés. Il écrit à ces communautés
et à celles des villes où son escorte a fait étape,
à Polycarpe, évêque de Smyrne, aux chrétiens
de Rome, qu’il supplie instamment de ne tenter aucune démarche
en sa faveur.
Les Lettres sont la seule œuvre d’Ignace attestée
par la tradition. Malgré les discussions occasionnées
par l’existence de trois recensions du texte, de longueurs différentes,
l’accord existe sur l’authenticité de sept lettres.
Après le Nouveau Testament, les Lettres d’Ignace constituent
le document majeur qui nous est parvenu sur les origines chrétiennes
(l’ecclésiologie, le dogme et la spiritualité).
Le chef de la communauté d’Antioche y exprime, avec autorité
et insistance, son obsession de l’unité autour de l’évêque,
pour chaque communauté, et entre les communautés. Il multiplie
les mises en garde contre le docétisme et la gnose.
- Lettre aux Ephésiens : Cette lettre est la plus longue (presque
le double des autres). Ignace y annonce une deuxième lettre.
Il exhorte les Ephésiens à l’unité, entre
eux et autour de leur évêque. Il met en garde contre l’hérésie
et les remercie de l’envoi de leurs représentants.
Lettre aux Magnésiens : Ignace remercie les Magnésiens
de l’envoie de leurs représentants. Il les exhorte au respect
et à la soumission envers leur évêque et, leur recommandant
de garder l’unité et la foi, il les met en garde contre
l’hérésie des « judaïsants ». C’est
dans la Lettre aux Magnésiens qu’on trouve la première
occurrence du terme « christianisme ».
- Lettre aux Tralliens : Ignace fait l’éloge des Tralliens
et les remercie de l’envoi de leurs représentants. Il les
félicite surtout de leur soumission à leur évêque.
Il les met en garde contre l’hérésie et, particulièrement,
contre le docétisme. Il leur recommande de demeurer dans l’unité.
On rencontre ici, pour la première fois, l’image classique
de « l’arbre de la croix » comme arbre de vie.
- Lettre aux Romains : Cette lettre a un seul but : implorer les Romains
de ne pas intervenir pour éloigner d’Ignace le supplice
qu’il considère comme la grâce suprême de sa
vie. Elle est un cri passionné de désir de martyre qui
dictera à Origène et à Cyprien leurs propres Exhortation
au martyre. Le début de la Lettre, où l’évêque
s’adresse à « l’Eglise qui préside dans
la région des Romains », a suscité bien des débats.
Il est clair qu’Ignace exhorte la communauté de Rome, comme
les autres communautés, à se montrer première dans
la charité.
- Lettre aux Philadelphiens : Après avoir fait l’éloge
de leur évêque, Ignace recommande aux Philadelphiens de
fuir l’hérésie. Il signale surtout celle des «
judaïsants ». Il exhorte à rechercher l’unité
dans l’eucharistie et il demande d’envoyer un diacre comme
délégué à Antioche. On note l’accent
particulièrement paulinien de la Lettre : « Pour moi, mes
archives, c’est Jésus Christ ; mes archives inviolables,
c’est la croix, et sa mort, et sa résurrection, et la foi
qui vient de lui ; c’est en cela que je désire, par vos
prières, être justifié. »
- Lettre aux Smyrniotes : Ignace met en garde les Smyrniotes contre
l’hérésie du docétisme. Il leur recommande
l’union avec l’évêque et les prie d’envoyer
un délégué à Antioche.
- Lettre à Polycarpe : Si le ton est bienveillant, il est aussi
« protecteur ». Tout suggère que Polycarpe est plus
jeune qu’Ignace et trop éloigné de la norme proposée.
Il lui est conseillé de vaquer « sans cesse à la
prière » et de demander « une sagesse plus grande
que celle qu’[il] a ».
Référence : Lettres d’Ignace d’Antioche. Traductions et notes de P.-Th. Camelot in « Les Pères apostoliques » (« Foi vivante », Ed. Cerf, Paris 1991)
Nous ne connaissons presque rien de la vie d’Irénée,
originaire d’Asie Mineure, si ce n’est ce que nous en dit
Eusèbe de Césarée (HE. 5, 3-8). Irénée
aurait entendu Polycarpe à Smyrne vers 145/150. Il le nomme quinze
fois dans ses œuvres, associant chaque fois à son nom celui
de Jean. Il succède à Pothin et devient évêque
de Lyon vers 177. Il pourrait avoir été victime du massacre
général des chrétiens lyonnais sous Septime Sévère,
vers 202. Si la culture philosophique d’Irénée est
bien en deçà de celle d’un Justin (dont il utilise
sans cesse les matériaux) ou d’un Clément d’Alexandrie,
par contre, sa culture biblique est remarquable.
Contre les hérésies, Dénonciation et réfutation
de la gnose au nom trompeur (env. 180) : Ouvrage principal d’Irénée.
Celui-ci entend distinguer « la gnose au nom menteur » (reprise
de l’expression de I Tim. 6, 20) de la véritable connaissance
qu’est le christianisme. Le texte grec primitif est perdu. Nous
connaissons l’ouvrage par une traduction latine antérieure
à Augustin. Le plan consiste d’abord à exposer les
hérésies gnostiques puis à en faire une réfutation
systématique qui se veut rationnelle et doctrinale. La complexité
de l’ensemble s’explique par le fait que l’ouvrage
ne fut pas composé d’un seul jet mais conçu et réalisé
par des apports successifs.
Démonstration de la prédication apostolique (env. 175/180)
: Mentionné par Eusèbe, le texte semblait perdu, jusqu’à
la découverte d’un manuscrit en version arménienne
au début du XXe siècle. L’œuvre consiste en
un exposé succinct de la foi transmise « par les apôtres
», suivi d’une « démonstration » de l’objet
de cette foi. Il s’agit d’une catéchèse suivie
d’une apologie.
Références : Contre les Hérésies,
Dénonciation et réfutation de la prétendue gnose
au nom menteur. Traduction française par Adelin Rousseau (Ed.
Cerf, Paris 1991)
Démonstration de la prédication apostolique. Introduction,
traduction et notes par Adelin Rousseau (« Sources Chrétiennes
», Ed. Cerf, Paris 1995)
Justin est né dans une famille grecque de la colonie
romaine de Flavia Neapolis, en Samarie. Il raconte lui-même sa
conversion au christianisme comme résultat d’une longue
quête de la vérité (DT. 2) : « La philosophie
est un bien très grand et très précieux aux yeux
de Dieu ; elle seule nous conduit vers lui et nous réunit à
lui. » Avant d’embrasser la foi chrétienne, Justin
a fréquenté diverses écoles, mais c’est vers
le platonisme qu’il se tourna. La pratique de la dialectique platonicienne
amène Justin à dialoguer avec les Ecritures : le Christ,
Parole de Dieu, était présent dès la création
de monde. Face à Marcion qui considère que la Loi est
caduque et aux gnostiques qui la méprisent, Justin offre aux
chrétiens lettrés de continuer à lire les Ecritures
avec la foi au Christ et avec leur raison, une position qui heurte de
front le judaïsme. En adressant ses apologies à l’empereur,
Justin cherche à montrer que la foi chrétienne ne s’oppose
pas à la philosophie ; au contraire, la moralité chrétienne
est la meilleure preuve de loyalisme des chrétiens devant l’Etat
(Première Apologie, 10, 14, 17). Il devra, malgré tout,
rendre raison de sa foi devant le Préfet Urbicus.
La Grande Apologie : Adressée à Antonin, appelé
« le Pieux » pour son esprit de tolérance, La Grande
Apologie se présente comme un exposé thématique,
selon la tradition littéraire des écoles de philosophie.
C’est un plaidoyer en faveur des chrétiens calomniés
et persécutés. Justin fournit un exposé doctrinal
du christianisme, axé sur la personne et l’enseignement
du Christ, Logos, Fils premier-né de Dieu, entré par son
incarnation dans l’Histoire, mort crucifié, puis ressuscité
et retourné à Dieu en attendant la future parousie (21-29).
Epopée contrariée, paradoxale, mais annoncée par
les prophètes juifs (31-53). La dernière partie expose,
de manière détaillée, l’initiation chrétienne.
Le Dialogue avec le Juif Tryphon (env. 160) : Le dialogue se veut une
longue discussion, à Ephèse (d’après Eusèbe),
avec Tryphon « hébreu de la circoncision ayant fui la guerre
actuelle et passé la plus grande partie de son temps en Hellade
et à Corinthe » (1, 1). La guerre mentionnée est
sans doute la révolte de 133-135 et il se pourrait que Tryphon,
« le plus célèbre des hébreux de ce temps-là
», soit le rabbin Tarphon. Ce dialogue est un témoignage
sur les rapports entre juifs et chrétiens au IIe siècle.
Le problème discuté est celui-ci : le christianisme est-il
l’héritier légitime d’Israël ? Jésus
est-il le Messie attendu ? L’Eglise est-elle la communauté
messianique ?
Requête au sénat (dite Deuxième Apologie) : L’unité
des deux apologies a été tantôt affirmée
(E. Schwartz, H. H. Hochfelder), tantôt la seconde fut considérée
comme un appendice de la première (A. Harnack, E. J. Goodspeed),
tantôt on a vu deux apologies différentes (A. A. T. Erhardt,
P. Keresztes). L’écrit porte le débat devant l’autorité
de la ville. Justin se présente comme chef d’école
et donne crédit à Socrate et à Platon. Il réfute
ensuite les accusations contre les chrétiens (3-10), puis s’évertue
à développer l’excellence de la doctrine chrétienne,
comme « nouvelle philosophie » (10-14).
Traité de la résurrection (fragments) : L’authenticité
du traité semble aujourd’hui assez généralement
admise. L’auteur affirme que le corps est appelé avec l’âme
à la résurrection. Cette promesse repose sur l’unité
d’un même dessein du salut, unité du composé
humain, où protologie (création) et eschatologie sont
les deux pôles d’une même économie que Dieu
mène à son achèvement.
Référence : Justin martyr, œuvres complètes. Traduction de G. Archambault, L. Pautigny et Elisabeth Gauché (« Bibliothèque Migne », Paris 1994)
Prêtre à Antioche, il dirigea une sorte d’école théologique, écrivit des lettres et des opuscules et corrigea les textes de l’Ancien et du Nouveau Testament. Son martyre se situe sous Maximin. Le Symbole de Lucien est un credo, une confession de foi qui s’inscrit dans la lignée des symboles primitifs de l’Eglise qui suivent « la tradition évangélique et apostolique sur le Dieu Trinité ».
L’œuvre fut découverte dans un manuscrit syriaque par J. Rendel Harris en 1905. Elle était connue auparavant par des citations de La Pistis Sophia (traité gnostique écrit entre 250 – 300) et de Lactance. Les Odes de Salomon se composent de 42 hymnes (le deuxième est manquant). Elles imitent les Psaumes, et leur structure est sémitique. Il y a probablement alternance des chœurs qui se répondent. On a supposé qu’on chantait ces odes aux réunions chrétiennes. La plupart se terminent par « Alléluia ». On s’accorde à fixer la date de composition dans la première moitié du IIe siècle. Ces Odes sont composées en vue de la prière et ne contiennent donc pas un exposé doctrinal. On y reconnaît l’influence de la pensée johannique ; mais une parenté littéraire ne s’impose pas forcément, car l’Evangile de Jean est lui-même dépendant des thèmes du messianisme sapientiel. On suppose que sa langue originelle était le grec. L’écrit est un témoignage du christianisme oriental.
Référence : Les Odes de Salomon, traduction, introduction et notes par Marie-Joseph Pierre (Ed. Brepols, Paris 1994).
Formé par son père à l’étude
des Ecritures, Origène consacre sa vie à la prédication
et à l’exégèse dans l’esprit de Pantène
et de Clément d’Alexandrie, qui considéraient la
culture grecque, littéraire et philosophique, comme une préparation
indispensable à la réception de l’enseignement chrétien.
C’est ainsi qu’Origène aurait suivi à Alexandrie
les cours du « maître des disciplines philosophiques »,
le fameux Ammonios Saccas, qui, quelques années plus tard, après
le départ d’Origène pour Césarée (232
–233), devait être le maître de Plotin (il ne faut
donc pas confondre Origène avec Origène le païen
qui, à la même époque que Plotin fut, lui aussi,
un auditeur d’Ammonios).
Origène conçoit le christianisme comme une philosophie,
c’est-à-dire comme un style de vie. Il est moins humaniste
que Clément et insiste beaucoup sur l’ascétisme.
Il fut entendu par le gouverneur d’Arabie et par Julia Mamaea,
la mère de l’empereur Alexandre Sévère, qui
lui demandèrent d’exposer sa doctrine. L’activité,
la renommée, peut-être la hardiesse de ses vues semblent
avoir provoqué la rupture d’Origène avec son évêque
Démétrius (231). Il s’installe définitivement
à Césarée, sous la protection de l’évêque
Théoctiste et continue son œuvre. Selon Jérôme
(qui site 800 titres), un catalogue dressé par Eusèbe
comptait 2 000 livres. La plus grande partie des écrits qui nous
sont parvenus ne subsiste qu’en traductions latines. Origène
a réalisé un grand travail d’étude scripturaire
: Les Hexaples (212 –243), qui constituent une étude comparative
de six versions bibliques ; plusieurs commentaires, dont Commentaire
sur Matthieu, Commentaire sur Jean, Commentaire sur le Cantique des
Cantiques, Commentaire sur l’Epître aux Romains (ne restent
que dix livres remaniés et les fragments grecs de Toura) ; des
Scholies ; des Homélies ; une série d’œuvres
comprenant un Traité sur la Prière, l’Exhortation
au Martyre ; des lettres à Grégoire le Thaumaturge et
à Jules l’Africain. Origène est l’auteur de
deux œuvres théologiques : Contre Celse (248) qui est une
réfutation du Discours Véritable du philosophe et Des
Principes, son œuvre principale.
Des Principes (225 –230) : La préface du traité
définit le programme et la méthode de recherche (partir
des données scripturaires déjà élaborées
par « le kérygme » pour parvenir à la vérité
demeurée voilée et pour ériger les doctrines «
en science ». La question dominante est celle des rapports de
Dieu, de l’homme et du monde sous la forme suivante : comment
les créatures peuvent-elles participer à la vie divine
? Origène cherche à redresser « les déviations
» que pourraient produire l’influence des gnostiques (distinction
entre le Créateur et le Père de Jésus Christ, inégalité
des « natures », motif des « émissions »
appliquées à la génération du fils) ou des
philosophes de la tradition platonicienne (pluralité des «
Principes », matière incréée), des erreurs
des « simples » (interprétation grossière
des anthropomorphismes bibliques et de la doctrine de la résurrection)
et de la méthode exégétique des Juifs. Origène
construit, en outre, une théorie de la connaissance religieuse
(herméneutique) dans un exposé sur la manière de
comprendre les Ecritures (IV, 1-3)
Références : Traité des Principes,
texte critique de la version de Rufin, fragments, introduction, commentaires
et traduction par Henri Crouzel et Manlio Simonetti (5 tomes «
Sources Chrétiennes » Ed. Cerf, Paris 1978-78-80-80-84).
Contre Celse, introduction, texte critique, traduction et notes par
Marcel Borret (5 tomes « Sources Chrétiennes » Ed. Cerf,
Paris 1967-68-69-76).
Evêque d’Hiérapolis, dans la Phrygie Mineure, Papias fut le contemporain d’Ignace et de Polycarpe. Il écrivit une Explication des Sentences du Seigneur, en cinq libres, vers 130, dont il ne nous reste que ne rares fragments cités par Irénée et par Eusèbe. « L’obscurité de son témoignage au sujet des deux Jean fait le désespoir de la critique » écrit A. Puech (« L’Histoire de la littérature grecque chrétienne »). Papias est millénariste. Il n’est pas le seul : au IIe siècle, le pseudo-Barnabé, Justin, Irénée et Tertullien sont également millénaristes.
Suivant le Canon de Muratori, Hermas est le frère de Pie Ier, évêque de Rome de 142 à 155 env.. Suivant l’œuvre elle-même, Hermas est un chrétien, esclave de naissance, vendu à Rome à une femme nommée Rodhé. Sans doute fut-il affranchi par elle. Daté de 96 par un indice du texte (une copie de l’écrit doit être adressée à Clément de Rome), Le Pasteur d’Hermas est tenu comme Ecriture par Irénée (CE. 4, 20, 2) et par Clément d’Alexandrie (Strom. 1, 29). Origène tient encore Le Pasteur pour inspiré, mais il n’ignore pas que certains estiment peu cette œuvre (ER. X, 31). Tertullien range d’abord Le Pasteur parmi les Ecritures (Orais. 16), mais, devenu montaniste, il repousse l’œuvre (Pudi. 10,11). Le Canon de Muratori en recommande la lecture, mais non pas la lecture publique. Eusèbe comme Origène attribuent l’œuvre à l’Hermas de l’Epître aux Romains. L’œuvre comprend cinq visions, douze préceptes et dix paraboles ou similitudes. La pensée dominante du Pasteur est de relever le chrétien tombé dans le péché. La tolérance du Pasteur s’oppose à l’encratisme dont l’esprit est très présent au IIe siècle. L’écrit parle du « Nom », du « Fils de Dieu », qui sont assimilés au « Saint-Esprit » ; il ne dit jamais « Jésus » ou « Christ ».
Référence : Hermas, le Pasteur, traduction et notes de R. Joly, in « Les Pères apostoliques » (« Foi vivante », Ed. Cerf, Paris 1991).
Paul est né à Tarse, en Cilicie, dans la diaspora de langue grecque. Son père semble bien avoir été citoyen romain. Il ajoute lui-même à son nom hébraïque, Shaoul, le cognomen romain, Paulus. Venu encore jeune à Jérusalem, il aurait été le disciple de Gamaliel. On trouve l’empreinte des catégories grecques autant que des concepts rabbiniques dans sa pensée. Il était, avant sa rupture, un juif fier de son peuple et un pharisien exemplaire. Il se trouvait en mission contre les chrétiens hellénistes lorsqu’il connut la révélation christique qui allait le jeter sur les routes de l’Empire. Une mission judéo-chrétienne s’est développée sur les traces de Paul. Il dénonce avec vigueur l’action de ces missionnaires qui viennent corriger son enseignement et prêchent un autre évangile et un autre Christ. Il est significatif qu’il y ait à Corinthe un parti de Pierre. De retour à Jérusalem, où il se proposait de remettre à Jacques le fruit de sa collecte (probablement non acceptée), Paul est arrêté (dans des circonstances assez troubles) à l’initiative des juifs et remis au procurateur Felix qui fait traîner l’affaire. Deux ans après, le nouveau procurateur, Festus, défère Paul, sur sa propre demande, au tribunal de l’empereur.
Première Lettre aux Thessaloniciens (49/50) : La Lettre n’indique pas le lieu de rédaction. Elle donne pour information que Timothée est revenu de Thessalonique (III, 1) et que Paul se trouve en sa compagnie avec Sylvain (I, 1). Etant donné que ces indications correspondent à ce qui est dit dans les Actes, la plupart des critiques pensent que Paul se trouve à Corinthe. Cependant, l’absence de salutations finales laisse entendre que le lieu de rédaction n’est pas (encore) le siège d’une communauté. De ce fait, on date le document du tout début de la mission corinthienne (hiver 49-50), deux ans avant la controverse de Jérusalem. Si l’on se tient à ce point de vue généralement partagé, on comprend que la question des observances de la loi ne constitue pas ici le débat. Cependant, la sévérité est extrême à l’égard des juifs (II, 15-16). Elle est avivée par l’acharnement de la synagogue à entraver la prédication de Paul. Quoi qu’il en soit, cette Lettre authentique constitue l’écrit le plus ancien que nous possédons de Paul et du christianisme primitif. Elle constitue un témoignage exceptionnel sur la vie des premières communautés chrétiennes fondées par l’Apôtre, sur sa pensée, les traditions qu’il porte et les premières réponses qu’il donne aux questions que suscite son évangile.
Lettres de captivité (54/55 ?) : Plusieurs indications
de la Correspondance avec Corinthe favorisent l’hypothèse
d’un emprisonnement de Paul à Ephèse. Les Lettres
authentiques de captivité, aux Philippiens et à Philémon,
supposent un échange fréquent entre le lieu de détention
et les lieux de résidence des destinataires ; ce qui suggère
Ephèse plutôt que Rome ou Césarée.
La Lettre aux Philippiens est généralement vue par la
critique comme un ensemble de deux ou trois lettres :
Lettre A (IV, 10-20) : Ce billet de remerciement laisse transparaître
l’ambivalence des sentiments qui animent Paul à la réception
de l’aide financière apportée par Epaphrodite de
Philippes. L’écrit laisse percevoir une attitude stoïcienne
qui consiste à trouver son bien-être aussi bien dans le
dénuement que dans l’abondance, dans la solitude que dans
la compagnie. L’Apôtre puise son espérance en la
Providence qui veille sur lui comme sur la communauté de Philippes.
Lettre B (I, 1 –III, 1a + IV, 2-7 + IV, 21-23) : Paul est encore
en prison, mais il attend une libération prochaine. La communauté
de Philippes est menacée dans sa cohésion du fait d’une
dissension partisane. L’écrit comporte un hymne pré-paulinien
qui chante l’abaissement et l’élévation de
Jésus Christ. Paul le complète par deux additions révélatrices
de sa propre pensée (II, 8c et 11c).
Lettre C (III, 1b-4 + IV, 7-8) : Le genre littéraire du discours
d’adieu est utilisé pour conjurer le danger de la prédication
judéo-chrétienne. L’exposé biographique illustre
les qualités que les bons sont exhortés à mettre
en pratique s’ils veulent demeurer dans la voie du salut. Ce genre
littéraire connaissait un évident succès dans la
culture juive ; on le retrouve dans le Testament des Douze Patriarches
et dans le quatrième évangile (XIII - XVII).
La Lettre à Philémon : De sa prison, Paul adresse la lettre
à Philémon. Il s’agit d’un membre de rang
social relativement élevé qui reçoit la communauté
des croyants dans sa maison, probablement à Colosses ou dans
la région. Onésime a fui de chez son maître Philémon
en espérant trouver refuge auprès de Paul. Sa conversion
au christianisme transcende le lien social fort auquel il est normalement
soumis. Paul renvoie Onésime à Philémon en lui
demandant de ne pas appliquer les peines encourues par l’esclave
en fuite et de reconsidérer le lien social de maître à
esclave. Dans l’idée paulinienne, la relation entre chrétiens,
quelle qu’elle soit, ne saurait être une relation de droit.
Correspondance avec Corinthe (autour de 54/55) : Authentique
dans sa majeure partie, cette Correspondance comporte, de l’avis
général, plus de deux lettres. Elles furent échelonnées
sur une période d’au moins trois années. Elles font
apparaître, à la fois, la concurrence acerbe des missions
(les partis de Pierre, d’Apollos et de Paul), la confrontation
et l’emmêlement des idées philosophiques et religieuses,
mais aussi, la maturation de la pensée de Paul.
1 Corinthiens : L’Epître est souvent supposée se
présenter dans son intégralité. Cependant, certains
chercheurs ont présenté la thèse que la lettre
mentionnée en 1 Cor. V, 9 ne se serait pas perdue, mais que d’importants
fragments auraient été insérés ultérieurement
dans l’Epître. M. A. Hubaut propose un découpage
en quatre lettres : Lettre A (XI, 2-34) ; Lettre B (V, 1-8 + VI, 12-20
+ IX, 24 - X, 22 + VI, 1-11 + XVI, 13-24 ?), lettre de la fermeté
et des principes de séparation ; Lettre C (V, 9-11 + VII + VIII,
1-IX, 23 + X, 23 - XI, 1 + XV + XVI, 1-12), lettre des réponses
; Lettre D (I, 1 – IV, 21), lettre des partis.
2 Corinthiens : La discontinuité de l’Epître est
incomparablement plus évidente. Aussi l’accord de la critique
est-il beaucoup plus général. On est amené à
supposer que plusieurs fragments de lettres, écrites dans des
conditions extérieurement différentes et à des
époques distinctes, furent joints les uns aux autres, pour constituer
l’Epître, dans une disposition qui ne correspond pas à
l’ordre des événements : Lettre A (II, 14- VII,
4), lettre intermédiaire d’apologie du ministère
apostolique ; Lettre B (X-XIII), lettre « dans les larmes »
; Lettre C (1, 1-2 - XIII + VII, 5-16), lettre apologétique de
réconciliation ; Lettre D (VIII), billet préparatif de
la collecte de Corinthe ; Lettre E (IX), billet préparatif de
la collecte d’Achaïe.
Lettre aux Galates (54) : Les adversaires judéo-chrétiens de Paul en Galatie ont été diversement identifiés. Comment expliquer que, pour dissuader les Galates de se faire circoncire, Paul se fonde sur la geste d’Abraham et d‘Isaac (Gn XII - XXVII) alors que Genèse XVII célèbre la circoncision comme consécration de l’alliance patriarcale ? C’est le contre argument par excellence ! A moins que Paul n’ait été conduit à se battre sur le terrain choisi par ses adversaires et que la typologie d’Isaac ne soit leur argument essentiel : si vous voulez être les bénéficiaires de l’alliance patriarcale, vous devez passer par le rite d’entrée de la circoncision instituée par Abraham sur ordre de Yhwh et transmis par les patriarches (M. A. Hubaut). Il est vraisemblable de voir les hellénistes d’Antioche comme les adversaires de l’Apôtre (voir le « discours d’Etienne » en Actes VII-VIII)). Leur argument consisterait à dire que la rupture de Paul va dans un sens favorable au judéo-christianisme, celui de la séparation (cet argument sera largement utilisé, plus tard, contre Marcion).
Lettre aux Romains (57) : Alors que les précédentes lettres de Paul ne faisaient que répondre à des difficultés occasionnelles nées de la vie des communautés fondées par lui-même, la Lettre aux Romains est un écrit de synthèse longuement réfléchi et rédigé avec soin au moment où l’Apôtre, qui a achevé son œuvre missionnaire en Grèce et en Asie Mineure, forme le projet de se rendre à Rome (et de continuer vers l’Espagne). Il décide d’expliquer l’essentiel de sa propre pensée à la communauté de Rome en cherchant à montrer qu’elle n’est pas opposée à la leur. Si la Lettre est très généralement considérée comme authentique, des interpolations n’en sont pas moins probablement présentes. Plusieurs raisons parlent en faveur de la reprise d’un credo non paulinien en I, 1-7 ; notamment le motif de la filiation davidienne de Jésus. Considéré en lui-même, le credo reproduit la christologie de la communauté judéo-chrétienne : Jésus légitimé en tant que Messie, grâce à son origine davidienne, a été élevé et il est devenu « Fils de Dieu » en vertu de sa résurrection. La formule ne parle pas de la signification salvatrice de sa mort et ne vise pas davantage au message de la justification. Nombre de critiques considèrent la longue liste des salutations en XVI comme un fragment déplacé à la fin de l’Epître, alors qu’il doit avoir fait partie d’une lettre perdue, écrite à peu près en même temps que la Lettre aux Romains, peu après le départ d’Ephèse, et adressée à cette communauté. Ce fragment suppose la connaissance d’une adversité dont le reste de la lettre ne parle pas.
Polycarpe semble né de parents chrétiens. Il connaît le martyre en février 155 ou 156. Selon Irénée (CE. 3, 3, 4 ; et encore, Lettre à Florinus citée par Eusèbe en HE. 5, 20, 4-6 et Lettre au Pape Victor en HE. 5, 24, 16), il aurait été le disciple de Jean et d’autres témoins de Jésus. Il est établi évêque de Smyrne où il est présent lors du passage d’Ignace d’Antioche en 107. Fait remarquable, Polycarpe ignore les Ecritures (Lettres au Philippiens 12, 1). Il n’était donc pas juif. Irénée rapporte que Polycarpe est l’auteur de plusieurs lettres dont une seule nous est conservée : La Lettre aux Philippiens. Pour répondre à une demande des Philippiens, Polycarpe leur envoie les lettres d’Ignace d’Antioche et joint une exhortation. La Lettre a du être écrite peu de temps après le passage d’Ignace suivi de sa mort. Toutes les pensées et presque toutes les paroles de Polycarpe sont empruntées à d’autres auteurs qu’il s’est entièrement assimilé. On compte une quarantaine d’emprunts à Clément de Rome ; les citations de la Ière Epître de Pierre abondent ; les emprunts aux Epîtres de Paul sont nombreux (l’Epître aux Philippiens fournit à Polycarpe la plupart de ses références) ; l’Evangile de Jean est sollicité, avec sept citations. La Lettre est sans originalité et, quelle que soit sa puissance doctrinale, elle n’est pas due à la pensée personnelle de l’auteur.
Références : Polycarpe de Smyrne, lettre aux Philippiens, traduction et notes de P.-Th. Camelot in « Les Pères Apostoliques » (« Foi vivante », Ed. Cerf. Paris 1991).
Il s’agit d’une lettre de l’Eglise de Smyrne à l’Eglise de Philomélium, en Asie Mineure. L’écrit constitue le premier « acte de martyr » connu de la littérature chrétienne. Dix à vingt ans avant la Lettre sur les Martyrs de Lyon et de Vienne, la lettre des Smyrniotes partage, avec ce document, la même vision fondamentale du martyre : il ne relève pas de l’héroïsme mais d’une imitation du Christ souffrant. C’est une théologie de la collaboration de l’homme avec Dieu. Les martyrs ne sont pas là pour eux-mêmes, mais pour « sauver tous les frères » (I, 2).
Référence : Le partyre de Polycarpe, lettre de l’Eglise de Smyrne, traduction et notes de P.-Th Camelot in « Les Pères Apostoliques » (« Foi vivante », Ed ; Cerf, Paris 1991).
Né à Tyr, en Phénicie, Porphyre vient
étudier à Athènes auprès de Longin. Sa carrière
proprement philosophique commence avec la rencontre de Plotin à
Rome, en 263, dont Porphyre devient l’interprète privilégié.
En 268, il se fixe à Lilybée, en Sicile, où il
écrit un grand traité Contre les Chrétiens. Par
la suite, il revient à Rome où il prend la succession
de son maître. Il semble qu’il faille compter Jamblique
parmi ses disciples. Vers cette époque, il épouse Marcella,
destinataire de la lettre A Marcella considérée par A.
J. Festugière comme « le testament spirituel du paganisme
». Vers 301, Porphyre compose sa Vie de Plotin et il établit
l’édition des œuvres de son maître. La plus
grande partie de l’œuvre de Porphyre est perdue. Hormis quelques
traités complets, elle n’est plus connue que par des fragments
cités par des philosophes grecs, latins ou arabes.
Les religions ne s’adressent qu’à des dieux inférieurs
ou à des démons ; la philosophie la transcende, parce
qu’elle est le culte du Dieu suprême, dont le philosophe
est le prêtre. Ce culte ne consiste que dans l’offrande
d’une pensée purifiée de tout ce qui est visible
et sensible. Il conduit à l’union avec le Dieu transcendant,
dès ici-bas, en des moments d’extase, puis définitivement
après la mort. Le philosophe est le seul à pouvoir espérer
être délivré pour toujours du cycle des naissances.
Les pratiques religieuses ne peuvent procurer qu’un seul salut
tout relatif, une certaine purification de la partie inférieure
de l’âme qui lui permettra de s’élever dans
les astres sans être délivrée définitivement
de sa prison cosmique. C’est dans cette perspective que Porphyre
consacre une grande partie de son activité littéraire
à critiquer les traditions religieuses : le gnosticisme (en des
ouvrages malheureusement perdus), les Oracles Chaldaïques (avec
le traité Sur le Retour de l’Ame), la religion traditionnelle
de la Grèce (lettre A Anébon), la religion chrétienne
(traité Contre les Chrétiens).
Références : Ad Marcellam, édition
et traduction allemande de W. Pötscher, Leyde 1969.
Contra Christianos, Ed. A Harnak, Berlin 1916.
Apologiste chrétien originaire de Syrie. D’abord philosophe païen, Tatien entre à l’école de Justin. Il compose un Discours aux Grecs d’une extrême violence, dans lequel il rejette toute la culture helléniste. Il quitte l’Eglise judéo-chrétienne et devient membre de la communauté encratite « sur la terre des Assyriens ». Selon Irénée, il aurait soutenu des idées gnostiques. La célébrité de Tatien vient surtout du Diatessaron (« tiré des quatre »). Il s’agit d’une tentative d’harmonisation des évangiles ; la seule qui ait été utilisée dans la liturgie. Dans le Discours aux Grecs, Tatien applique des éléments bibliques, pauliniens et moyen-platoniciens à la critique systématique de la civilisation hellénique. L’exposé de la supériorité du christianisme vise une théorie de la liberté qui est commandée par un dualisme entre la psyché et le pneuma. Seul ce dernier contient l’esprit « lumière » à la ressemblance de Dieu, tandis que l’âme psychique est un esprit « matériel » déchu. Le chrétien doit retrouver l’esprit supérieur. La fin de la déchéance correspond à la vraie liberté retrouvée. Elle signifie l’affranchissement du déterminisme démoniaque dont l’astrologie est la manifestation la plus éclatante. Tatien est amené à refuser la définition antique de l’homme comme « être raisonnable ». Les communautés encratites de Tatien pourraient ajouter un lien historique entre le christianisme et le manichéisme.
Référence : Tatian, Oratoria ad Graecos, Edition et traduction anglaise de M. Whittaker (Oxford 1982).
Né à Carthage d’un père centurion,
on pense que Tertullien a exercé le métier d’avocat
à Rome. Il fit, tout au moins, de très nombreux séjours
dans la ville. Il se convertit en 193 et se fixa à Carthage.
Il était marié, mais, en dépit des allégations
de Jérôme, on pense qu’il n’était pas
prêtre. Tertullien se rapproche du montanisme et passe le pas
en l’an 207. Le montanisme est un mouvement ascétique,
spirituel, prophétique et eschatologique, qui apparaît
en Phrygie au milieu du IIe siècle (dès 156/157, selon
Epiphane ; en 172 d’après Eusèbe), à l’initiative
de Montanus, un néophyte qui aurait été prêtre
de Cybèle. Harnack y voit un mouvement de retour au « pneumatisme
» de l’Eglise primitive en réaction contre une Eglise
en train de s’institutionnaliser et de se séculariser.
Lorsque le Pape Zéphyrin condamne le mouvement, Tertullien choisit
le schisme. Son œuvre importante nous révèle un homme
passionné, tant dans sa lutte contre les hérésies
(Contre les Valentiniens, Contre Marcion, Contre Praxéas) que
dans ses exhortations morales.
L’Apologétique (fin 197) : L’œuvre est donnée
pour la plus importante de Tertullien et comme un chef d’œuvre
de l’apologétique chrétienne. Il s’agit d’une
refonte de l’écrit intitulé : Aux Païens. L’Apologétique
constitue une présentation du christianisme et un témoignage
de l’histoire du temps. Tertullien réclame la liberté
de religion pour tous et souhaite, par conséquent, « l’ajournement
de la fin ».
Du témoignage de l’Ame (197) : Il s’agit d’un
tract dans lequel Tertullien insiste, à l’inverse des apologistes
grecs, sur l’inutilité du recours à la philosophie.
Il aborde une démonstration psychologique de Dieu.
A Scapula (fin 212) : C’est une lettre ouverte au proconsul d’Afrique,
persécuteur des chrétiens. Comme dans l’Apologétique,
Tertullien appelle à la liberté de religion.
Contre les Juifs (200-206) : Tertullien s’inspire de l’œuvre
de Justin : Dialogue avec Tryphon. Il affirme que la loi mosaïque
n’est pas nécessaire au salut. La loi de la justice doit
céder la place à la loi de l’amour.
La prescription des hérétiques (vers 200) : C’est
l’œuvre d’un juriste. Tertullien développe une
vraie thèse d’avocat : si quelqu’un a possédé
un bien de façon continue durant le temps fixé par la
loi, il peut user du droit de prescription, c’est-à-dire,
celui de rejeter une cause sans même l’entendre. La prescription
doit être consignée par écrit. Elle permet au défenseur
d’arrêter le cours du procès. Or, l’objet du
litige entre l’Eglise judéo-chrétienne et les «
hérétiques » est l’Ecriture. L’Ecriture
est le bien propre de l’Eglise. Elle a été écrite
dans l’Eglise, pour l’Eglise : « Nul ne doit en user
qu’il n’ait aucun titre à ce privilège. »
L’hérésie est un choix illégitime. Un chrétien
ne choisit pas : il reçoit la vérité transmise
dans l’Eglise par les apôtres. Tertullien développe
la thèse de la succession apostolique. Enfin, Tertullien s’insurge
aussi contre la pénétration de la philosophie païenne
dans le christianisme.
Contre Marcion (211) : L’ouvrage reste la meilleure source pour
l’étude du christianisme marcionite. Il s’inspire
probablement de l’œuvre d’Irénée : Contre
les hérésies. Le plan de l’ouvrage est le suivant
: Livre I : Beauté et bonté de la création ; Livre
II : Apologie du Créateur ; Livre III : Critique du Christ de
Marcion ; Livre IV : L’Evangile est le bien de l’Eglise
; Livre V : Exégèse des Epîtres de Paul.
Contre Hermogène (après 200) : Hermogène de Carthage
est un peintre gnostique qui prétend que la matière étant
éternelle, elle est égale à Dieu. Tertullien lui
répond par un plaidoyer en faveur de la doctrine de la création.
Contre les Valentiniens (env. 211) : Ce traité copie le Livre
I du Contre les hérésies d’Irénée.
Sur le baptême (198/200) : Il s’agit du seul traité
antérieur au concile de Nicée que l’on possède
sur le sacrement. C’est aussi un écrit de controverse qui
s’adresse à Quintilla. Celle-ci semble appartenir à
un mouvement gnostique Caïnite qui soulève des objections
rationalistes, notamment au sujet de l’emploi de l’eau dans
le baptême.
Scorpiace (Contrepoison contre la piqûre des scorpions) (213)
: Ce court traité semble avoir été rédigé
pendant la persécution de Scapula. Tertullien s’oppose
aux gnostiques qui affirment que Dieu n’exige pas le martyre,
que les martyrs font de Dieu un persécuteur et un assassin. Tertullien
prépare un contrepoison : la mort doit être préférée
à l’apostasie.
La résurrection de la chair (vers 212) : Ce traité est
précédé de Sur la chair du Christ (vers 211) que
Tertullien présente comme sa préface. L’adversaire
est Marcion. Tertullien est alors montaniste.
Contre Praxéas (vers 213) : Les discussions dans lesquelles s’inscrit
la rédaction de l’ouvrage sont complexes. Alors que la
transcendance et l’unité de Dieu représentent, pour
l’Eglise, des idées acquises, c’est la distinction
des personnes divines, Père, Fils et Esprit, qui fait l’objet
de la démonstration de Tertullien. Praxéas (peut-être
un adepte de Noët, contre lequel écrivait Hippolyte de Rome)
est un des tenants de l’hérésie monarchienne.
De l’Ame (210/213) : Il s’agit d’un nouvel écrit
contre les gnostiques. Tertullien examine toutes les opinions philosophiques
sur l’âme. Il rejette la théorie platonicienne de
la préexistence des âmes. Il croit à la «
corporéité » de l’âme. Il affirme que
l’âme et le corps sont engendrés ensemble, dès
l’instant de la conception.
Tertullien écrivit également un grand nombre d’écrits
ascétiques et moraux : Aux martyrs, Les spectacles, Sur la toilette
des femmes, Sur la prière, Sur la patience, Sur la pénitence,
A sa femme, Exhortations à la chasteté, La monogamie,
Sur le voile des vierges, Au sujet de la couronne, Sur le fuite dans
la persécution, Sur l’idolâtrie, Sur le jeûne,
Contre les psychiques, Sur le pallium, Sur la pudeur. Cette dernière
œuvre de Tertullien fut écrite peu de temps avant sa mort,
sous le pontificat de Callixte.
Références : Contre Marcion, introduction,
texte critique, traduction et notes par René Braun (3 vol. et
2 vol. manquants) « Sources Chrétiennes », Ed. Cerf,
Paris 1990-91-94.
Contre les Valentiniens, introduction, texte critique, traduction par
Jean-Claude Fredouille (2 tomes) « Sources Chrétiennes
», Ed. Cerf, Paris 1980-81).
La Chair du Christ, introduction, texte critique, traduction et commentaire
par Jean-Pierre Mahé (2 tomes) « Sources Chrétiennes
», Ed. Cerf, Paris 1975.
La pudicité, introduction, commentaire et index par Claudio Micaelli,
texte critique et traduction par Charles Munier (2 tomes) « Sources
Chrétiennes », Ed. Cerf, Paris 1993.
De la patience, introduction, texte critique, traduction et commentaire
par Jean-Claude Fredouille « Sources Chrétiennes »,
Ed. Cerf, Paris 1984.
Traité du baptême, texte, introduction et note par F. Refoulé,
traduction en collaboration avec M. Drouzy, « Foi vivante »,
Ed. Cerf, Paris 1976.
Sixième évêque d’Antioche, dont
il occupe le siège une dizaine d’année (jusqu’en
180 au moins), Théophile est né dans une famille grecque,
près de l’Euphrate. Dernier apologiste du IIe siècle,
il est le seul à avoir occupé une place importante dans
la hiérarchie. Nous ne connaissons de Théophile que trois
Livres à Autolycus. Mais il écrivit d’autres ouvrages
qui sont perdus : Contre l’hérésie d’Hermogène,
Contre Marcion, Sur les Histoires, ainsi que des catéchèses,
des commentaires sur les proverbes et les évangiles. Jérôme
mentionne une Harmonie Evangélique.
Livres à Autolycus (env. 170/177) : Dans cette exhortation à
Autolycus, qui est une des plus importantes apologies du christianisme
au IIe siècle, Théophile répond à un ami
païen qui lui reproche de croire en un Dieu invisible et en la
résurrection des corps. L’un des aspects essentiels de
la théologie de Théophile réside dans le fait que
l’âme n’est pas immortelle par nature.
Référence : Théophile d’Antioche, trois livres à Autolycus, Ed. G. Bardy, traduction J. Sender, introduction et notes G. Bardy, Paris 1948.