Pierre fait remarquer à l’astrologue qu’en pure logique son intervention est vaine. Comment peut-il envisager que Pierre puisse modifier ses projets si ceux-ci sont écrits d’avance ? Quel intérêt a-t-il à vénérer les dieux puisque le cours de son destin ne peut être amendé ? Quoi qu’il en soit, si le thème de naissance existe, il est soumis au « maître des astres », affirme Pierre, car ce qui est premier commande : « L’incréé en tant qu’incréé ne peut être soumis puisqu’il n’a rien qui soit plus ancien que lui. » (Ibid. 4, 5.) Pierre soutient une thèse contraire au déterminisme astral : « Les choses sont gouvernées par la Providence et chacun obtiendra récompense ou châtiment en fonction de ce qu’il fait, soit maintenant, soit à l’avenir, cela ne m’importe pas, si ce n’est que, dans tous les cas, chacun tirera le fruit de ce qu’il a fait. » (Ibid. 5, 3.) La conduite de vie est libre et déterminante. Pour preuve, il avance le cas des guérisons qu’il obtient par la prière, ce qui ne saurait résulter du thème de naissance. En outre, mettre sa foi en l’horoscope doit être considéré comme un blasphème. C’est rendre Dieu responsable des maux dont les hommes sont cause : « Si toutes les fautes des hommes, leurs impiétés, leurs impudences venaient des astres, et si les astres avaient reçu de Dieu l’ordre de faire cela pour être la cause de toutes les difficultés, tous les péchés des hommes lui seraient imputés, à lui qui aurait placé l’horoscope dans les astres. » (Ibid. 5, 6.)
Le récit romanesque fournit la preuve au service de la thèse de Pierre. L’astrologue affirme que devenu l’ami d’un homme « de la famille de César », il a pu observer l’adéquation entre ce que prédisaient les astres et ce que furent la vie de cet homme et celle de son épouse. Il narre les aventures du couple témoin dont on comprend qu’il s’agit des parents de Clément et des jumeaux. Finalement, miracle ! voici que le vieil astrologue n’est autre que le père de famille que l’on donnait pour mort, Faustus, l’époux de Mattidie. Il n’a raconté sa vie comme celle d’un autre qu’en vue de poursuivre sa misérable existence, sans risquer d’être découvert et rappelé aux plaisirs mondains. La vérité du thème astral ne tient plus ! Pourtant, dit l’astrologue, « j’étais sûr de la vérité au sujet du thème de naissance, car je ne suis pas profane en la matière. D’ailleurs j’ai été le disciple d’un homme qui était le meilleur des astrologues, un Egyptien du nom d’Annubion qui, dès le début de mes voyages, s’était lié à moi et m’avait révélé la mort de mon épouse avec mes enfants » (Ibid. 11, 1-2). Faustus pense que l’astrologie est une vraie science, mais que les astrologues disent tantôt la vérité, lorsqu’ils parviennent à la saisir, tantôt des mensonges lorsqu’ils n’y parviennent pas. A quoi Pierre répond : « Lorsqu’ils disent la vérité, attends-toi à ce qu’ils le fassent par hasard et non en disant ce qu’ils ont précisément observé. » (Ibid. 11, 5.) Clément propose que l’on trouve Annubion pour qu’il s’explique et que de la controverse surgisse le vrai. Or, Annubion est à Antioche, avec Simon le mage dont « il est inséparable et qu’il suit partout » (Ibid. 12, 3.) 140
140 Les Homélies s’achevant par le départ de Pierre pour Antioche, la controverse ne sera pas rapportée.