Les paragraphes 2, 1-3, 5 trouvent leurs parallèles en Hom XI, 1, 2-3, 2. « De même qu’une terre, négligée par le cultivateur, produit nécessairement des épines et des ronces » (Rec VI, 2, 2), il faut s’appliquer, dit Pierre, à retrancher les vices issus de mauvaises habitudes ; « résultat auquel vous ne pourrez parvenir qu’en vous mettant en colère, en quelque sorte, contre vous-mêmes, à cause des actions vaines et honteuses que vous avez commises. Car c’est là une colère légitime et nécessaire, qui consiste pour chacun à s’indigner et à s’accuser soi-même de ses égarements et de ses mauvaises actions » (Ibid. 3, 1-2). Les « actions vaines » se rapportent aux « occupations ou soucis superflus » (Ibid. 2, 4) ; les actions « honteuses » se rattachent au désir sexuel : « La flamme d’une colère agréable à Dieu ne s’élève-t-elle pas en vous, consumant et faisant périr jusqu’à la racine toute semence du péché de concupiscence qui peut avoir germé en vous ? » (Ibid. 3, 5.) Notons le lieu commun des vices de la « mauvaise habitude » assimilés aux « épines et aux ronces ». Les Homélies disent « les épines du désir » (Hom XI, 3, 2). Le parallèle avec l’attitude de Paul est intéressant. Dans son application à clarifier la polysémie du terme « loi » au chapitre VII de la Lettre aux Romains, l’apôtre explique : « Mes actes, je ne les reconnais pas, car ce que je veux je ne le pratique pas mais je fais ce que je déteste. » (15.) Ce que veut dire Paul devient plus clair au chapitre IX de la Première lettre aux Corinthiens : « C’est ainsi que je lutte, non pas en battant l’air. Mais je mate mon corps, je l’asservis, de peur qu’après avoir prêché aux autres je ne sois moi-même réprouvé. » (26-27.) Paul semble en proie à la concupiscence qu’il évoque par un euphémisme semblable à celui de Pierre : « Une écharde (une épine) dans la chair, un ange de Satan m’a été donné pour me souffleter 1. » (2 Co XII, 7.) ; c’est-à-dire : « Le Satan [l’] éprouve par [son] incontinence. » (1 Co VII, 5.) Avec la médisance que l’on peut soupçonner à l’égard de Paul, les judéo-chrétiens mariés pointent du doigt l’entourage de femmes non mariées dans son entourage. A cela l’apôtre répond : « N’avons-nous pas le droit d’emmener avec nous, pour femme (sic), une sœur, tout comme les autres apôtres et le frères du Seigneur et Képhas ? » (1 Co IX, 5.) Dès lors, comment comprendre l’enseignement : « Je voudrais que tous les hommes soient [célibataires] comme moi. » (Ibid. VII, 7) ? Sinon par cet autre enseignement : « Tout m’est permis, mais tout n’édifie pas. » (Ibid. VI, 12) L’ange de Satan ramène parfois Paul à la réalité de la chair dont il voudrait se défaire, contrairement aux judéo-chrétiens dont la chasteté réclame les rapports conjugaux. Pour Paul, le mariage ne peut être qu’une « concession » (Ibid. VII, 6).
Les paragraphes 4, 1-6, 5, qui portent sur la séparation de ceux qui ont le juste discernement d’avec ceux qui ne supportent pas le voisinage de la lumière et de la vérité, se retrouvent en Hom XI, 19, 1-21, 4. Le paragraphe 7 reprend Hom XI, 22, 1- 23, 3 sur l’ingratitude de l’homme vis-à-vis de Dieu qui a créé la nature pour lui. La Sagesse, identifiée à l’Esprit de Dieu est « la véritable main du créateur » (Rec VI, 7, 3).
L’eau du baptême est justifiée par le fait que « tout naît des eaux » (Ibid. 8, 1). La volonté de Dieu est que par les eaux qui furent créées les premières, l’homme « naisse de nouveau 2 » (Ibid. 8, 2). Le paragraphe 8, 2-7 est parallèle à Hom XI, 25, 2-3. Celui qui ne reçoit pas le baptême ne peut avoir « la moindre espérance devant Dieu » (Ibid. 8, 5), aussi pieux et juste serait-il trouvé : « Car le mérite est imputé à l’homme d’après ses bonnes actions, mais à condition qu’elles soient accomplies ainsi que Dieu l’ordonne. » (Ibid. 8, 6.) Le sectarisme est affirmé. Chez Paul, la justification ne vient pas des œuvres de la Torah, mais gratuitement, par la grâce accordée par Jésus3 . Le paragraphe 9 est parallèle à Hom XI, 26-27, 1. Au pécheur, le baptême apporte la rémission, au juste, la perfection. Les chapitres 10 et 11 sur le devoir du baptisé se retrouvent en Hom XI, 27, 2-30, 3. Il est ajouté : « On ne couche pas ici et là avec des femmes et uniquement pour le plaisir, mais bien pour s’assurer une postérité. » (Rec VI, 12, 1). Pierre remarque qu’une telle observance existe chez certains animaux et qu’il serait un comble que l’homme ne s’y tienne pas. Il donne une raison supplémentaire de garder la chasteté, « c’est qu’elle est respectée scrupuleusement même chez ceux que le diable maintient encore dans l’erreur » (Ibid. 12, 2).
Les paragraphes 13 et 14 sont parallèles à Hom XI, 31-33, 3. Il s’agit pour les disciples de Pierre d’avoir une meilleure conduite que les païens, sachant que « si ceux qui sont dans l’erreur font quelque chose de bien, il est certain qu’ils l’ont emprunté à la vérité » (Rec VI, 13 1). La logique pétrinienne est imparable !
1 L’« écharde » dans la chair a fait couler beaucoup d’encre. De multiples hypothèses ont été émises pour donner sens à l’image, parmi lesquelles plusieurs maladies et la concupiscence.
2 Voir le rite du baptême en Rc III, 67, 4.
3 Voir par exemple Rm III, 24.