Cette lettre, qui vous est adressée les nuits de pleine lune, peut vous paraître un peu formelle. Elle renvoie, en effet, à des textes fondamentaux, difficiles d’accès pour ceux d’entre-nous qui ne maîtrisent pas (encore) les arcanes des Ecritures bibliques et apocryphes. Mais elle constitue chaque fois une maille supplémentaire du réseau cathare que nous tissons.
D’une certaine façon, nous nous situons dans une phase de dénombrement. Je veux dire que nous nous rendons visibles à ceux qui partagent la même vision du monde, la même philosophie, ou qui sont simplement intéressés par notre questionnement, notre regard sur le christianisme, notre chemin de vie.
Je vous engage à parcourir le titre Rencontres de Roquefixade (sous la rubrique Rencontres cathares) et à lire les lettres qui m’ont été adressées au cours des derniers jours. Car, elles vous sont également destinées. Du cœur de ces écrits surgit une relation humaine chaleureuse qui vous appartient. Combien, qui se croyaient perdus dans des idées rares et extravagantes, face à la misère et à la violence sociale, nous disent leur bonheur de ne plus se savoir seuls au monde !
Pour ceux qui lisent l’espagnol, la Consolation de Lucía, de Valencia, révèle une inspiration spirituelle magnifique. Sa grâce éclaire l’ensemble de la communauté (virtuelle) que nous formons de proche en proche.
Parmi les développements intervenus depuis la dernière pleine lune, vous trouverez une nouvelle rubrique intitulée Lectures critiques. Dans la perspective d’un essai traitant l’ensemble du Roman pseudo-clémentin, il vous est proposé une lecture de l’Epître de Pierre à Jacques et une lecture de l’Epître de Clément à Jacques.
L’Epître de Pierre à Jacques accompagne l’envoi des prédications du disciple au frère de Jésus qui préside la communauté nazaréenne. Il lui est recommandé de n’en communiquer le contenu qu’à des personnes préalablement éprouvées. L’Engagement porte des prescriptions complémentaires de confidentialité adressées par Jacques aux presbytres de Jérusalem, à qui il transmet l’Epître. Ces deux documents apocryphes, dont les originaux peuvent dater de la fin du IIe siècle, nous ont été transmis avec les Homélies. Ils insistent sur le caractère ésotérique que comporte l’enseignement de Pierre. Nous sommes amenés à penser qu’ils accompagnaient primitivement les Prédications ou Kérygmes de Pierre que nous retrouvons mêlées aux Homélies. Celles-ci déroulent un roman qui ne présente plus, en tant que tel, un caractère ésotérique.
L’Epître de Clément à Jacques fait de Clément le successeur direct de Pierre dans la charge épiscopale de Rome, qu’il semble détenir de 93 à 101. L’Epître est postérieure à l’Epître de Pierre à Jacques (Ep Clément 20). Elle introduit les Homélies et les Reconnaissances, dans les versions qui nous ont été transmises. La question demeure controversée de savoir si les deux lettres accompagnaient effectivement une Prédication de Pierre (fin IIe s.) ou si elles furent produites (ou remaniées) par le rédacteur final des Homélies (fin IIIe s), celui-ci cherchant à affirmer la légitimité de Clément et son ancrage dans la tradition pétrinienne par opposition à la tradition paulinienne.
Egalement parmi les nouveaux développements, la rubrique Conférences & Débats offre un compte-rendu mot à mot de la IIIe Dispute de Roquefixade, sous le titre Thèmes développés.
Sous le titre « Le chemin de Damas », voir le dernier sous-chapitres de « L’esprit des profondeurs » :
14 – L’esprit dévoile le mensonge de la Torah ;
Extrait : Selon l'interprétation paulinienne, qui outrage le texte de référence, Moïse dissimulait la nature de la lumière qui l'éclairait, de façon à laisser accroire à son principe éternel, autant qu'à son origine divine (2 Co. III, 13). Si Moïse a menti sur la présence de Dieu, sur la qualité de la lumière visible par tous, il a aussi menti sur les fondements de la loi ! A tel point, que le voile du mensonge induit toujours en erreur ceux qui observent la Torah et gardent leur fidélité à « l'ancienne Alliance » (Ibid. 14).
et les trois premiers sous-chapitres de « La loi universelle de la conscience » :
1 – La loi spirituelle transparaît dans la création asservie ;
Extrait : Nous sommes très loin de l'idée hébraïque d'une préexistence de la Torah (la sagesse de Yhwh), au moyen de laquelle Dieu créa le monde (2 Hén. XXXIII 1-3). L’on comprend que si la Torah n’est point de Dieu, la création dont elle constitue le modèle, ne peut davantage l’être. Pour les Hébreux, la Torah s'impose effectivement comme loi naturelle, avant même de devenir la loi positive du Sinaï-Horeb. La pensée hébraïque en général (essénienne en particulier) guette la libération finale par un fait de guerre messianique. Se dresseront face à face les « fils de lumière » et les « fils de ténèbres » (Guerre I, I, 1), jusqu'à l'extermination de ces derniers coupables d'interférer dans l'ordre naturel des peuples et des hommes.
2 – L’intelligence donne à connaître la loi de l’esprit ;
Extrait : Il est inutile d'insister sur le fait que la loi que pratiquent naturellement les Goyim ne peut être la Torah. Ils observent la loi de l'esprit, sans qu'ils le sachent vraiment. Cette juste conduite dans la relation aux autres est inscrite dans leurs pensées tel un impératif divin. Leur conscience témoigne d’une connaissance immédiate du bien et du mal (Rm. II, 15-16). Le dieu qu'ils découvrent ne ressemble pas au dieu de la Torah. L'invisibilité (Rm. I, 19-20) qui s’attache à la transcendance, n’est pas vraiment la qualité première du Seigneur Yhwh. Sa main est sur les contrats et les pactes. Toujours faits, défaits et reconduits, ils le lient au peuple élu, appelant sa bénédiction ou sa malédiction. Par lui, les arrangements de l'histoire se succèdent en autant de batailles pour tenter vainement de hisser Israël au faîte de la gloire prophétique. Yhwh est partout ! Paul sort de la religiosité hébraïque en trouvant dans les nations la preuve de l'universalité de Dieu et de son attachement à une loi de l'esprit qui n'est point la Torah.
3 – Justiciable devant la loi de l’esprit ;
Extrait : Le mélange des sens que revêt le terme « loi » (Rm. II, 13) dans la correspondance paulinienne, ne doit pas nous égarer. Parmi les Hellènes, comme parmi les Hébreux, ceux qui pratiquent la loi de l'esprit sont justes. Leur justice se vérifie dans l'adéquation de leurs actes avec la loi universelle inscrite en leur cœur. Ils ne connaissent d'autre juridiction que « le tribunal de Dieu » (Rm. XIV, 10). Les Hébreux qui pratiquent la Torah sont nécessairement appelés à être jugés en dernière instance en regard de la loi de l'esprit. L'appel invalide le jugement de première instance.